Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 60
Le mercredi 11 décembre 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 11 décembre 1996
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Les Nations Unies
Le cinquième anniversaire de la
ratification
de la Convention relative aux droits de l'enfant
L'honorable Landon Pearson: Honorables sénateurs, il y a cinq ans
aujourd'hui, des enfants de chaque province et de chaque territoire se sont
réunis dans cet immeuble, dans le hall d'honneur, pour attester par leur
signature la ratification par le Canada de la Convention des Nations Unies
relative aux droits de l'enfant. L'instrument de ratification a été déposé
aux Nations Unies le 13 décembre, et c'est pourquoi cette date est la date
officielle de notre adhésion à cette convention. Ce que je veux commémorer
aujourd'hui, c'est cette scène frappante à laquelle j'ai eu le privilège de
participer, il y a cinq ans, où nous avons pu voir et entendre l'avenir du
Canada dans toute sa diversité - francophones, anglophones, autochtones,
immigrants, tout ce riche potentiel humain que la convention est censée nourrir
et protéger, tant ici qu'à l'étranger.
Le hall du Parlement scintillait comme c'est toujours le cas à ce temps-ci de l'année, et les enfants étaient enchantés de participer à un événement aussi important. C'était en effet un événement important. Par l'entremise de ces enfants, le gouvernement du Canada disait à tous les enfants du pays: vous êtes une de nos ressources les plus précieuses et, en signant ce document, nous, vos aînés, nous engageons, en tant que pays, à promouvoir votre bien-être sachant très bien que nous nous trouvons en même temps à promouvoir notre propre bien-être.
Depuis ce jour il y a cinq ans, nous avons traversé une récession et une période nécessaire de compressions budgétaires, qui ont malheureusement rendu vulnérables un nombre croissant d'enfants. C'est la mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle, c'est que les Canadiens se préoccupent des questions relatives aux enfants plus que jamais auparavant. On a d'ailleurs pu le voir clairement lors de la conférence nationale sur les enfants canadiens et l'avenir du Canada, que j'ai eu le plaisir de présider il y a deux semaines.
L'engagement ferme de notre gouvernement à l'égard des droits des enfants sur la scène internationale en est une autre preuve.
Aujourd'hui, l'UNICEF, qui s'est engagé à trouver des solutions, a publié son rapport annuel sur la condition des enfants dans le monde. Ce rapport met l'accent sur les formes les plus horribles de main-d'oeuvre enfantine et contient des idées concrètes sur ce qu'il faut faire. L'honorable Don Boudria, ministre de la Coopération internationale, a déjà donné suite à l'une des recommandations de l'UNICEF, qui consiste à donner une meilleure éducation aux filles, en annonçant ce matin une aide accrue pour appuyer un certain nombre d'excellents programmes d'enseignement pour les filles en Afrique.
Honorables sénateurs, la question du bien-être des enfants est dépourvue de tout caractère sectaire.
(1340)
Il y a cinq ans, c'est le premier ministre Mulroney qui ratifiait la convention au nom du Canada. Maintenant, c'est le ministre des Affaires étrangères Lloyd Axworthy qui défend les droits des enfants sur la scène internationale.
Faisons en sorte que non seulement aujourd'hui, mais tous les 11 décembre, on célèbre un engagement national renouvelé à assurer le bien-être de nos enfants.
[Français]
L'unité nationale
la Reconnaissance du statut de
société distincte du Québec
L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, en octobre 1995,
seulement 50,6 p. 100 des électeurs québécois ont voté en faveur du maintien
du fédéralisme canadien.
À mon avis, il est temps de rouvrir la filière constitutionnelle.
Je sais bien que les Canadiens sont fatigués d'entendre parler de Constitution. Toutefois, que cela nous plaise ou non, le résultat référendaire exacerbe l'incertitude en rendant évident aux yeux de tous le fait qu'il y aura un autre référendum.
Notre pays est en danger de se briser.
Les Canadiens méritent qu'on leur présente une vision de l'avenir. C'est la raison pour laquelle il faut en arriver à une reconnaissance formelle du caractère distinct du Québec dans la Constitution canadienne, la fameuse disposition sur la société distincte. La balle est maintenant dans le camp du gouvernement fédéral et dans celui des premiers ministres et des assemblées des provinces.
À ce propos, j'appuie le leadership dont a fait preuve le ministre des Affaires intergouvernementales, l'honorable Stéphane Dion, et les positions qu'il a prises lors d'un discours qu'il a prononcé à Toronto le 26 novembre 1996 devant les membres du Congrès juif canadien, du Congrès hellénique du Canada et du Congrès national des Italo-Canadiens de l'Ontario et du Québec. Il a déclaré, et je cite:
Je ne vois aucune raison valable de ne pas reconnaître la spécificité québécoise dans la Constitution canadienne [...] Rappelons-nous toutes ces grandes réformes du passé, tels le vote des femmes, l'école obligatoire, l'impôt progressif, qui ont longtemps été rejetées avant d'être acceptées par les populations.
Monsieur Dion, je vous applaudis.
Il faut convaincre les Canadiens d'endosser le concept de société distincte, reconnaissant en cela que le Québec est unique et très différent de par sa langue et sa culture. Les Canadiens doivent comprendre et accepter le fait incontournable que les francophones, et particulièrement ceux du Québec, constituent une minorité nationale au sein du Canada. Dans ce pays où les provinces sont toutes différentes, le Québec est doublement différent. Si nous croyons au Canada, nous ne devrions pas avoir peur de faire face à cette réalité fondamentale.
Le Québec et le reste du Canada ont beaucoup plus en commun qu'on ne l'imagine: le sentiment des Québécois francophones dans un continent anglophone ressemble étrangement à celui qu'éprouvent les autres Canadiens face à la culture américaine.
Soulignons que dans un État fédéral comme le Canada, l'un des principes fondamentaux est la reconnaissance de l'unité dans la diversité. La création d'un tel État signale la présence d'un engagement concret à long terme de toutes les parties concernées et présuppose une volonté ferme de coopération. Le fédéralisme rend possible toute une gamme de changements qui permettent de répondre à l'évolution des besoins et des situations particulières.
En 1867, le fédéralisme canadien représentait le compromis nécessaire. Le fédéralisme a aussi fait preuve d'une exceptionnelle souplesse au fil de son évolution. Les analystes de la Constitution canadienne ont fait depuis longtemps la preuve que celle-ci a été remarquablement flexible.
Le Canada reconnaît déjà la langue française ainsi que le caractère distinct du Québec par de nombreux moyens, par exemple, la Loi sur les langues officielles de 1969, les protections accordées à la langue française par la Constitution et le Code civil du Québec. L'article 27 de la Charte des droits reconnaît le caractère multiculturel du patrimoine canadien. De plus, grâce à l'adoption du projet de loi C-110, en février dernier, cinq régions canadiennes, dont le Québec, disposent d'un droit de veto sur toute modification constitutionnelle.
Le monde entier, on le sait, considère le Canada comme un symbole de tolérance. L'histoire de notre pays a été marquée par une grande ouverture à la différence. Une juste reconnaissance constitutionnelle de la société distincte serait une merveilleuse façon de témoigner de ces grandes valeurs canadiennes.
N'oublions pas que même si les anglophones et les diverses communautés ethniques du Québec ont massivement boudé l'option souverainiste au dernier rendez-vous référendaire, bon nombre d'entre eux appuient la reconnaissance du caractère unique du Québec dans la Constitution canadienne.
En terminant, si les Canadiens hors Québec posaient ce geste clairement, sans tenter d'obtenir certains avantages en retour, ils feraient un grand pas, je dirais même un pas de géant, vers l'unité de leur pays.
J'appuie la démarche du ministre Dion dans ce dossier et j'invite le premier ministre à en faire autant.
Le chef du Parti libéral du Québec et chef de l'opposition à l'Assemblée nationale a dévoilé le volet constitutionnel du programme de son parti en fin de semaine dernière. À cet effet, je déplore certains écrits de reporters et journalistes qui ont réservé à ce document un accueil plutôt froid et ont vu de la part de M. Johnson une tentative de gagner la prochaine élection, et qui nous ont rappelé les échecs de l'Accord du lac Meech et de l'Entente de Charlottetown.
Daniel Johnson s'est déclaré confiant d'avoir l'appui de cinq premiers ministres provinciaux dans ce dossier. Je prie les autres premiers ministres de se montrer courageux et d'exercer le leadership nécessaire de façon à convaincre leurs populations respective du danger que représente la sécession du Québec.
Encore une fois, je dis que le consensus reste à bâtir. J'ose espérer que nous y parviendrons et que nous éviterons de voir se dissoudre, parce que nous aurons fait preuve de négligence ou d'indifférence, un pays qui fait l'envie du monde entier, notre pays, le Canada.
Encore une fois, bravo à Daniel Johnson et à Stéphane Dion. Puissent votre courage et votre leadership amener nos chefs politiques, nos journalistes et nos leaders d'opinion à se faire les promoteurs d'une réouverture du dossier constitutionnel.
[Traduction]
La Journée internationale
des droits de l'homme
L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, je désire joindre
ma voix à celle de mes collègues qui ont pris la parole hier pour souligner la
Journée internationale des droits de l'homme. Je tiens en particulier à
féliciter le sénateur Kinsella, qui a présenté un compte rendu exact de la
situation des droits de l'homme sous le gouvernement actuel.
Malheureusement, dans de nombreux endroits du monde des millions, sinon des centaines de millions d'hommes, de femmes et d'enfants continuent d'être les victimes de violations des droits de l'homme commises par des despotes et des dictateurs, qui exercent leur autorité à la pointe du fusil et nient à leurs congénères les droits humains fondamentaux que nous tenons pour acquis au Canada.
Je prends également à coeur la déclaration faite hier par le sénateur Fairbairn au sujet des droits de l'homme. J'aimerais que ma collègue fasse parvenir des copies de son allocution et de celles des sénateurs Kinsella, Prud'homme et des autres qui ont pris la parole à ce sujet, à ses collègues du Cabinet et en particulier au premier ministre, pour leur rappeler leurs responsabilités dans ce domaine.
AFFAIRES COURANTES
Code de conduite
Présentation du deuxième
rapport
du comité mixte spécial
L'honorable Donald H. Oliver, coprésident du comité mixte spécial sur
un code de conduite, présente le rapport suivant:
Le mercredi 11 décembre 1996
Le comité mixte spécial sur un code de conduite a l'honneur de présenter son
DEUXIÈME RAPPORT
Votre comité a examiné son ordre de renvoi adopté par le Sénat le jeudi 21 mars 1996 et le mercredi 19 juin 1996 et par la Chambre des communes le mardi 12 mars 1996 etle mercredi 19 juin 1996 et recommande ce qui suit:Que la date du dépôt du rapport soit reportée auvendredi 21 mars 1997.
Respectueusement soumis,
Le coprésident,
DONALD H. OLIVER
(Sur la motion du sénateur Oliver, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Projet de loi portant mise en oeuvre de l'accord de libre-échange Canada-Israël
Rapport du comité
L'honorable John B. Stewart, président du comité sénatorial permanent des affaires étrangères, présente le rapport suivant:Le mercredi 11 décembre 1996
Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères a l'honneur de présenter son
CINQUIÈME RAPPORT
Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères, auquel a été renvoyé le projet de loi C-61, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Israël, a examiné ledit projet de loi conformément à son ordre de renvoi du jeudi 28 novembre 1996, et en fait maintenant rapport sans amendement.Respectueusement soumis,
Le président,
JOHN B. STEWART
(Sur la motion du sénateur Graham, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
(1350)
Délégation parlementaire à TaIwan
Dépôt du rapport
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation de parlementaires canadiens à Taiwan.
Affaires sociales, sciences et technologie
Autorisation au comité de
siéger
en même temps que le Sénat
L'honorable Malbel M. DeWare, présidente du comité sénatorial
permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, avec la
permission du Sénat et nonobstantl'alinéa 58(1)a), propose:
Que le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à siéger à 15 heures aujourd'hui, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
L'Afrique
La situation dans la région
Rwanda-Burundi-Zaïre-
Avis d'interpellation
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément aux
paragraphes 56(1), (2) et 57(2) du Règlement, je donne avis que, dans deux
jours, j'attirerai l'attention du Sénat sur la situation du Rwanda, en Afrique;
sur la résolution 955 (1994) du Conseil de sécurité des Nations Unies
constituant le Tribunal des Nations Unies sur les crimes de guerre au Rwanda; sur la procureure en chef de ce tribunal, Mme Louise Arbour, juge canadienne; sur le fondement juridique et constitutionnel en droit international de la création de ce tribunal et de tribunaux semblables; sur l'invasion militaire par le Front patriotique rwandais (FPR) et le Mouvement national de résistance ougandais (MNR), le 1er octobre 1990; sur les décès du président rwandais Juvenal Habyarimana et du président burundais Cyprien Ntaryamira dans un écrasement d'avionle 6 avril 1994; et sur la poursuite en justice des citoyens rwandais accusés d'avoir commis des crimes de guerre entrele 1er janvier et le 31 décembre 1994.
La délégation parlementaire à Taiwan
Avis d'interpellation
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi prochain, le 17 décembre, j'attirerai l'attention du Sénat sur le rapport de la délégation de parlementaires canadiens à Taiwan.
PÉRIODE DES QUESTIONS
L'unité nationale
Le Québec-La portée des récentes remarques du premier ministre-La position du gouvernement
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, mes questions font suite à certaines déclarations très troublantes faites hier soir par le premier ministre au cours des forums télévisés organisés par les réseaux français et anglais de Radio-Canada. Jusqu'à présent, aucun premier ministre canadien n'avait envisagé la séparation éventuelle d'une province autrement que comme une menace contre l'unité du pays qu'il fallait écarter à chaque tournant. Aujourd'hui, le pays a un premier ministre qui, pas plus tard qu'hier soir, a non seulement confirmé son refus de suivre les traces de ses prédécesseurs, mais a laissé entendre par ses réponses - et je me limiterai à celles qu'il a données sur le réseau anglais - qu'il s'était résigné, son gouvernement aussi évidemment, à la possibilité d'une séparation éventuelle du Québec. Le plan B a remplacé le plan A.J'exhorte tous les sénateurs à lire la transcription de ce qu'il a dit, ce faisant ils s'apercevront de la triste véracité de mes propos.
La transcription du forum m'a inspiré trois questions que je vais maintenant poser au leader du gouvernement au Sénat. Répondant à un des participants qui lui avait demandé ce qui arriverait si les fédéralistes perdaient le référendum, M. Chrétien s'est lancé dans une longue explication qui s'est terminée sur ces mots: «On ne peut pas être moitié-moitié. C'est tout l'un ou tout l'autre.»
Est-ce que cela signifie que c'est le statu quo ou la séparation? Est-ce que ça veut dire que c'est tout l'un ou tout l'autre? On ne peut être Canadien qu'en restant ce qu'on est maintenant, faute de quoi on est exclu? N'y a-t-il rien entre les deux? N'est-il pas possible de moderniser la fédération et de prêter au moins une oreille attentive aux demandes d'un certain nombre de provinces, dont le Québec bien sûr, qui veulent moderniser le système? Est-ce le statu quo, coulé dans le béton, ou l'exclusion?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne voudrais pas faire dire des choses au premier ministre. J'aimerais demander des éclaircissements avant de répondre à la question du sénateur.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'espère que l'auteur de ces paroles précise lui-même les faits, mais il ne fait que nier ses propos.
Je persiste. Le modérateur, M. Mansbridge, a demandé:
«Y a-t-il, oui ou non, un plan d'urgence pour protéger les Québécois anglophones qui veulent obtenir une protection advenant la victoire du oui à un référendum? Oui ou non? S'il y en avait un, leur diriez-vous?»
M. Chrétien a répondu à cette question parfaitement claire, portant sur l'inquiétude et les préoccupations de centaines de milliers de Québécois:
«Le problème, c'est que vous me posez une question hypothétique.»
Le premier ministre est-il si peu en contact avec la réalité, si ignorant, si peu conscient des résultats du référendum de 1983, que ces préoccupations exprimées par des centaines de milliers de Québécois et d'autres Canadiens sont purement hypothétiques?
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, le premier ministre est extrêmement préoccupé, et depuis longtemps, par l'avenir et l'unité de notre pays. Il l'a d'ailleurs dit à plusieurs reprises. Peu de temps après le référendum, il a réagi aux enjeux de société distincte et de veto par l'intermédiaire du Parlement, comme il avait dit qu'il le ferait. Il a fait bien plus en confiant divers dossiers à des ministres - et c'est maintenant le tour de l'honorable Pierre Pettigrew - à qui il a demandé de négocier avec les provinces pour le développement de l'union sociale, ainsi qu'en confiant aux provinces la responsabilité de la formation de la main-d'oeuvre, comme on le réclamait depuis longtemps, pas seulement au Québec mais aussi dans les autres provinces. Comme le premier ministre l'a dit maintes fois, il s'est fixé pour principal objectif de faire en sorte que le gouvernement collabore avec les provinces, y compris le Québec, de manière à ce qu'il n'y ait pas d'autres référendums. Il ne sera pas nécessaire de tenir un autre référendum.
(1400)
L'honorable sénateur a dit que les propos du premier ministre témoignaient de son indifférence et de son absence d'intérêt, mais c'est loin d'être vrai. Le premier ministre est vivement intéressé - c'est prioritaire pour lui et le gouvernement - à garder le pays uni et à agir en conséquence, de manière à réduire et même à éliminer la nécessité d'un autre référendum.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le premier ministre a parlé hier soir dans l'hypothèse d'un autre référendum. Il n'a jamais laissé entendre qu'il ferait tout pour empêcher la tenue d'un autre référendum, comme il devrait le faire.
Si le premier ministre s'intéresse tant à l'unité du pays, ainsi qu'aux angoisses et aux inquiétudes de centaines de milliers de Québécois, surtout les anglophones, comment a-t-il pu répondre comme il l'a fait à la question suivante? Son interlocuteur, en parlant des anglophones, lui a demandé:
Que nous arrivera-t-il si le vote en faveur de la séparation est si majoritaire que le gouvernement du Canada sera forcé d'en tenir compte? Qu'adviendra-t-il de nous?
Le premier ministre a répondu:
Vous pourrez demeurer au Québec ou partir.
Des voix: Quelle honte!
Le sénateur Lynch-Staunton: Comment une personne aussi intimement liée au problème peut-elle dire une telle chose? Surtout le chef du pays qui s'est vu confier la mission de sauvegarder l'unité du pays. Que l'on ait été d'accord avec eux ou pas, les premiers ministres antérieurs, messieurs Trudeau, Mulroney, Clark, Pearson et Diefenbaker, ont tous reconnu le mandat que les Canadiens leur avaient confié de préserver l'unité du pays. Ils ont tous réussi, chacun à leur façon, parce qu'ils ont reconnu leur responsabilité.
Honorables sénateurs, notre pays est toujours uni. Or, nous avons maintenant un premier ministre qui déclare: «Je dois consulter la Cour suprême pour savoir comment je devrai négocier en cas de séparation. Je peux vous dire que si la question est suffisamment claire et que si le vote est suffisamment majoritaire, nous devrons reconnaître ce vote, car je respecte la démocratie. Vous, monsieur, avez vécu au Québec et votre famille y est installée depuis des générations. Vous désirez peut-être continuer de faire partie de notre pays. Cependant, si votre province décide de changer de statut, nous devrons respecter la volonté de la majorité, et vous pourrez vivre au Québec ou partir.» Comment le premier ministre peut-il faire face aux Canadiens aujourd'hui, après avoir fait une déclaration aussi infâme?
Des voix: Il doit démissionner.
[Français]
L'économie
Les préoccupations soulevées
par des Canadiens lors
du forum télévisé-La position du gouvernement
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, ma question
s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. A-t-elle regardé
l'émission à laquelle le sénateur Lynch-Staunton faisait référence?
[Traduction]
Madame le leader du gouvernement au Sénat a-t-elle regardé l'émission télévisée?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je dois avouer avec beaucoup de regret que je ne l'ai pas regardée, mais je vais le faire, sénateur Nolin. Hier soir, je devais prendre la parole à une manifestation en faveur de l'alphabétisation, un engagement que j'avais pris depuis longtemps. Cependant, je vais certainement regarder l'enregistrement du programme.
[Français]
Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, si vous le regarder, je vous suggère de le faire en français et en anglais. En 1993, à l'occasion de la dernière élection fédérale, la première ministre de l'époque, Mme Campbell, avait, avec une certaine candeur je vous l'avouerai, énoncé que cela serait difficile de réduire à moins de 10 p. 100 le taux de chômage avant l'an 2000. M. Chrétien, chef de l'opposition à l'époque, s'est indigné, a désavoué une telle candeur, promettant une création d'emplois sans précédent. Hier soir, nous avons assisté au cours de cette émission, dans les deux langues officielles, encore une fois, à une distorsion de la réalité de la part du premier ministre. Je dis bien «une distorsion de la réalité», une distorsion des faits, lorsqu'il s'en est pris, à peine poliment, à des Canadiens qui ont exprimé leurs préoccupations. Je constate que je n'obtiendrai pas de réponse aujourd'hui de la part du leader du gouvernement, mais quand pensez-vous que le premier ministre du Canada va mettre de côté les intérêts de sa politique et prendre à c9ur les intérêts du million et demi de Canadiens qui n'ont pas d'emploi?
[Traduction]
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà dit, je regrette vraiment de ne pas avoir pu regarder l'émission d'hier, mais je vais le faire.
Toutefois, sur la question du chômage et des emplois, je dirais que c'est la priorité centrale du gouvernement et que cela continuera de l'être. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons fait un tel effort concerté pour remettre de l'ordre dans notre économie, faire baisser les taux d'intérêt, réduire le déficit et promouvoir la croissance économique dont nous n'avons pu profiter depuis quelque temps. Au Canada, nous sommes maintenant en position d'avoir les bases économiques les plus solides de tous nos partenaires commerciaux. C'est seulement lorsque nous aurons atteint cette stabilité économique que les emplois se multiplieront. Le premier ministre le sait, tout comme, d'ailleurs, tout le monde de l'autre côté de la Chambre.
Ce qu'a fait le premier ministre - et il l'a fait à maintes reprises, tout comme le ministre des Finances -, c'est exprimer sa grande déception devant la difficulté que le pays éprouve à abaisser ces taux. C'est un fait. Le gouvernement fait tout ce qu'il peut pour stimuler le secteur privé et le placer dans une situation où il pourra créer des emplois. Cela reste la priorité fondamentale du gouvernement et cela fait également partie de notre stratégie d'unité nationale.
Honorables sénateurs, en tant que gouvernement, nous avons travaillé très fort depuis le discours du Trône qui remonte à trois ans. Nous nous concentrons sur les emplois pour les jeunes, sur le commerce et sur la technologie. Ce sont les domaines propices à la création d'emplois. Plus de 650 000 ont été créés jusqu'à maintenant.
De plus, un des résultats de l'amélioration del'économie - et, dans un sens, c'est un résultat contrasté -, c'est de ramener les gens sur le marché du travail. Une des raisons pour lesquelles les taux de chômage n'ont pas baissé comme nous le voudrions, c'est que beaucoup de gens ont réintégré le marché du travail. Même si la création d'emplois a été forte, elle n'a pas été suffisante pour faire baisser les taux.
Je peux dire à mon collègue, même si je n'ai pas regardé l'émission, que c'est une préoccupation constante du gouvernement du Canada. Nous cherchons à créer un climat et nous faisons tout notre possible, par le truchement des missions commerciales et des efforts du ministre de l'Industrie, pour que les conditions soient favorables à la création d'emplois pour les Canadiens. C'est la priorité. C'est ce que fait le gouvernement et ce qu'il a fait avec un certain succès.
[Français]
Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, j'ai un commentaire à faire suite à la réponse du leader du gouvernement au Sénat. En ce qui concerne les 25 p. 100 de chômage chez les jeunes, on s'entend à conclure que le résultat que vous avez obtenu n'est pas très fort. Vous me donnez l'occasion de mettre le doigt sur certaines choses.
Vous avez eu l'occasion d'encourager une entreprise de la région d'Ottawa dans le domaine de la haute technologie et vous ne l'avez pas fait. Votre gouvernement a préféré encourager une entreprise américaine.
Vous verrez que le premier ministre, lors de cette émission, s'est employé à masquer la réalité de façon insultante à l'égard des Canadiens qui sont sans emploi. On se questionne à ce sujet. Ce n'est pas ce que vous aviez promis de faire. Comment réagissez-vous aux questions posées de façon très honnête et très candide par des Canadiens qui se font répondre par le premier ministre que le gouvernement a créé 672 000 emplois et qu'il faut avoir confiance?
Les gens ont perdu confiance en votre gouvernement. C'est ce qui ne fonctionne pas.
(1410)
[Traduction]
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je n'aime pas intervenir, mais je ferai remarquer qu'un grand nombre de sénateurs ont fait connaître leur intention de poser des questions. Je voudrais simplement vous rappeler que plus les préambules des questions sont longs, moins il y aura de sénateurs qui pourront poser des questions.
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je n'ai pas simplement parlé de nos projets. J'ai aussi fait état de nos réalisations. Cet été, nous avons créé plus d'emplois pour étudiants qu'auparavant. Nous avons donné de l'expansion au Service jeunesse, ce qui a permis d'en aider un grand nombre. Nous avons mis en place un programme pour les jeunes entrepreneurs canadiens, qui a reçu un accueil très favorable. Certes, c'est insuffisant, et nous en sommes bien conscients. Il est très difficile d'évaluer ces données.
Nous cherchons à aider les petites entreprises à tirer parti de la nouvelle technologie afin qu'elles puissent profiter des occasions qui se présentent, car elles sont le moteur de la création d'emplois chez nous. J'ai évoqué les missions commerciales dirigées par le premier ministre qui ont été pour les grandes, moyennes et petites entreprises l'occasion de voyager dans le monde entier en vue d'établir les contacts, de créer les réseaux et de signer les marchés qui se traduiront par la création d'emplois ici même, au Canada.
Nous avons déployé beaucoup d'efforts l'année dernière et les années précédentes. Nous allons maintenir notre rythme, voire l'accélérer. Nous ne cherchons pas à éluder la question. Nous nous y attaquons.
Je reviens à ma prémisse initiale. Sans stabilité économique, il n'y a rien qui vaille. Quand nous avons formé le gouvernement, notre priorité était de tout mettre en oeuvre pour assurer cette stabilité économique. Voilà pourquoi nous ne nous sommes pas contentés d'atteindre nos objectifs en matière de réduction du déficit, nous les avons dépassés. Nous maintiendrons le cap. Nous avons fait baisser les taux d'intérêt. L'inflation est faible. Ces facteurs réunis ont créé un environnement propice à la création d'emplois. Voilà ce que nous avons fait, sénateur Nolin. On est loin des voeux pieux.
Le sénateur Nolin: Malgré toutes les occasions qui se sont présentées, vous n'avez encore rien fait pour réduire les charges sociales.
Son Honneur le Président: Honorable sénateur Nolin, ça commence à ressembler davantage à un débat qu'à la période des questions.
La santé
Les compressions dans les
paiements de transfert
aux provinces-La position du gouvernement
L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, dans le cadre de
l'assemblée publique tenue hier soir, une femme a exprimé ses craintes au
sujet des soins de santé. Elle a expliqué que quatre fois par semaine, son
mari et elle-même se rendent à l'hôpital avec un de leurs enfants qui souffre
d'une maladie particulière. Elle a demandé au premier ministre s'il
considérait qu'il avait une responsabilité sociale dans ce cas-là. Une fois
de plus, le premier ministre n'a pas fait preuve de compassion à l'égard de
cette femme et de son enfant.
Le fait est que le gouvernement a réduit de 37 p. 100 les transferts au titre de la santé. Le gouvernement n'est pas prêt à discuter avec les provinces de la modernisation des systèmes de santé. Au lieu de cela, il organise ce forum national sur la santé non productif. Une fois de plus, le premier ministre a utilisé des statistiques et a lancé toutes sortes de chiffres sur le produit intérieur brut et le déficit. Cette femme voulait savoir ce que le gouvernement fait pour les gens qui ont besoin de soins et qui, très souvent, ne peuvent les obtenir. Elle a invité le premier ministre à ne pas se cacher derrière des statistiques et des observations selon lesquelles nous sommes le meilleur pays du monde. Elle lui a demandé s'il était prêt à assumer ses responsabilités et à reconnaître que le gouvernement avait sabré dans les transferts au titre des soins de santé. Elle lui a demandé enfin s'il était prêt à admettre qu'il se cachait derrière ces chiffres, car son gouvernement n'avait aucune idée de ce qu'il faisait.
Madame la ministre, n'est-il pas vrai que la plus grande réalisation des participants au forum sur la santé jusqu'à maintenant est de se réunir dans de beaux hôtels et établissements de villégiature de tout le pays? Je voudrais présenter la réalité au nom de cette dame qui a parlé avec tant de compassion et de sincérité hier soir. Vous et moi savons que le premier ministre a dit une chose durant la campagne et fait toute autre chose une fois élu. Les Canadiens méritent la vérité. Quand pourront-ils connaître la vérité sur les compressions dans la santé dont il n'était pas question dans le livre rouge?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le premier ministre a répété, tout au cours de la campagne électorale et depuis lors, que le gouvernement entendait bien maintenir les soins de santé au Canada et conserver les cinq principes fondamentaux sur lesquels reposent ces soins. Il n'y a aucun domaine de la politique sociale au sujet duquel le gouvernement a été plus clair.
Mon honorable collègue a parlé du forum sur la santé. Ce forum va faire rapport. Il a fait beaucoup plus que de se réunir dans de beaux hôtels. Il était constitué de gens très engagés qui ont travaillé dans tout le pays et qui se sont penchés sur la situation dans toutes les régions. Du fait de l'importance cruciale des soins de santé au Canada, tous les ordres de gouvernement cherchent à trouver d'autres façons de maintenir notre système, notamment en ce qui concerne la médecine préventive. Ce sont certaines des questions qu'on a examinées dans le cadre des réunions que le forum sur la santé a tenues dans tout le pays. J'attends avec impatience de prendre connaissance de son rapport.
Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, je voudrais avoir une réponse précise sur les compressions dans les paiements de transfert au titre de la santé.
Je demanderais également au leader du gouvernement de fournir au Sénat une liste des réunions que ce forum sur la santé a tenues, ainsi que nous préciser l'endroit où elles ont eu lieu, le coût de chaque réunion et le coût total de fonctionnement de ce forum sur la santé jusqu'à maintenant?
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je ferai de mon mieux pour obtenir cette réponse pour mon honorable collègue.
Le refus du premier ministre de
communiquer des documents du Cabinet à la Commission d'enquête sur le système
d'approvisionnement sanguin-
La position du gouvernement
L'honorable Richard J. Doyle: Monsieur le Président, la semaine
dernière, à la Chambre des communes, le premier ministre a dit qu'il ne
pouvait pas communiquer des documents du Cabinet de 1984 qui étaient cruciaux
pour l'enquête Krever parce que les lois du pays ne permettent pas d'accéder
à cette demande.
Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire sur quelles lois le premier ministre fonde sa décision de ne pas collaborer? Pour lui faciliter la tâche, je lui propose de ne pas chercher la réponse auprès du Bureau d'accès à l'information, car celui-ci a déjà déclaré publiquement qu'il ignorait de quoi parlait le premier ministre.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il n'est pas le seul! Une vingtaine de millions d'autres Canadiens ont la même impression.
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur sait que, selon une convention qui existe depuis longtemps au Canada, un gouvernement ne peut pas communiquer les documents du Cabinet d'un gouvernement précédent. On m'informe que cela est prévu à l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada.
(1420)
Le premier ministre a déclaré maintes fois à la Chambre des communes qu'il n'appartient pas à son gouvernement de communiquer ces documents. Nous avons déjà eu cette discussion à d'autres occasions. C'est ce qui explique les observations que le premier ministre a faites aux Communes.
Le sénateur Doyle: Honorables sénateurs, est-il possible que le premier ministre se serve du Cabinet comme couverture comme éviter de bouleverser les projets de modification du système d'approvisionnement sanguin dans le pays avant que le juge Krever ne puisse présenter son rapport?
Le sénateur Fairbairn: Absolument pas, honorables sénateurs. Le premier ministre ne se cache pas derrière une convention. Il a expliqué clairement la position du gouvernement, et celle d'autres gouvernements était également claire. Il a été très ouvert à cet égard. Il a dit à maintes reprises à la Chambre des communes qu'il ne lui appartenait pas de communiquer les documents qui ont été expressément demandés ces dernières semaines.
Il a également dit que le gouvernement a collaboré de toutes les autres façons possibles pour fournir à la commission tous les documents qu'elle a demandés, à l'exception de ceux qui ont été mis de côté conformément aux règles qui régissent ce gouvernement-ci et à celles qui régissaient les deux gouvernements précédents.
Le sénateur Doyle: Honorables sénateurs, le caractère confidentiel des documents du Cabinet est une chose. Pourtant, le gouvernement a le pouvoir, comme il l'a montré à un certain nombre d'occasions, de modifier même le Code criminel en 24 heures lorsqu'il veut parvenir à ses fins.
Cette occasion-ci n'en serait-elle pas une sur laquelle même le Cabinet serait d'accord? Après tout, c'est le gouvernement actuel qui a demandé au juge Krever de tirer au clair un épisode très tragique de l'histoire canadienne.
S'il s'agissait tout simplement de lois impossibles à enfreindre, pourquoi le juge Krever a-t-il dû attendre des semaines pour obtenir la réponse à sa demande?
Le sénateur Fairbairn: Je ne peux pas répondre à la dernière partie de la question du sénateur. Je suis entièrement d'accord avec lui, comme tout le gouvernement serait d'accord avec lui, pour dire que l'objet de cette commission revêt une importance capitale. Tout au long de l'enquête Krever, le gouvernement a répondu en étant animé de cette conviction.
Le premier ministre a simplement dit qu'il ne lui appartenait pas de communiquer les documents du Cabinet d'un autre gouvernement qui étaient demandés. D'autres documents que la commission a demandés lui ont été remis.
Le gouvernement a bien hâte de recevoir le rapport deM. le juge Krever et de restaurer la confiance des Canadiens dans l'intégrité du système d'approvisionnement sanguin.
La taxe sur les produits et services
Son harmonisation avec les taxes
provinciales-
L'effet sur le prix du mazout domestique dans les provinces Atlantiques-La
position du gouvernement
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question
s'ajoute en quelque sorte à celles qui ont déjà été posées concernant
l'assemblée à laquelle a participé le premier ministre. Je me reporte aux
questions posées par Juanita Mackeigan, chômeuse du Cap-Breton, où le taux de
chômage est de23 p. 100 et même bien davantage dans certaines régions
industrielles du Cap-Breton.
Quant elle l'a interrogé au sujet des emplois, le premier ministre a répondu, entre mille autres choses, ce que le leader du gouvernement au Sénat a dit: les taux d'intérêt sont peu élevés et cela devrait favoriser l'économie. Elle lui a répliqué que, lorsqu'on n'a pas d'argent, on ne se lance pas en affaires; on tente simplement de payer son loyer, ses produits d'épicerie et ses factures d'électricité. Elle aurait pu ajouter ses factures de mazout domestique.
Je voudrais savoir ce que madame le leader du gouvernement au Sénat répondrait à Juanita Mackeigan quand elle dit: «Bien sûr, mais, à titre de chef du gouvernement canadien, vous permettez que les prix des produits d'épicerie, du mazout, de l'électricité et des loyers augmentent de 15 p. 100 à cause de Savage en Nouvelle-Écosse, que vous appuyez.»
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, à la fin de sa question, l'honorable sénateur a fait allusion à la proposition d'harmoniser la TPS en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve. Cette harmonisation permettrait aux habitants de ces provinces un allégement de l'ensemble des taxes qu'ils paient.
Le sénateur Simard: Non, non.
Le sénateur Fairbairn: Mais oui, sénateur Simard. Si ce n'était pas le cas, ni le gouvernement fédéral ni les provinces n'auraient accepté l'accord.
La situation des Canadiens du Cap-Breton suscite l'inquiétude, la sympathie et la compassion de tous les sénateurs. Nous espérons que notre système de sécurité sociale pourra accorder un certain secours. Or, la meilleure solution réside dans l'emploi. Comme je l'ai répété maintes fois au Sénat, la priorité de notre gouvernement consiste à faciliter cette solution, surtout dans les régions où la situation est la plus difficile.
Le sénateur Forrestall: Madame le leader du gouvernement ne sait-elle pas que le mazout domestique est exonéré de la taxe en Nouvelle-Écosse? Le kérosène, le diesel, les aliments et l'électricité sont également exonérés. Des élections générales ont eu lieu dans l'Île-du-Prince-Édouard sur une question semblable, et les libéraux provinciaux en ont pâti.
La ministre ne convient-elle pas que si l'on ajoute15 p. 100 aux trois éléments qui coûtent le plus cher pour un ménage, on augmente les taxes?
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, dès que la loi instaurant la TPS a reçu la sanction royale, de nombreuses choses qui n'étaient pas imposées auparavant le sont devenues.
L'honorable sénateur a raison de dire que, dans cette province, certains articles qui n'étaient pas assujettis à la taxe auparavant seront désormais imposés, mais à un taux global plus bas. La taxe sur les autres articles sera toutefois considérablement réduite.
Réponse différée à une question orale
L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai une réponse à une question que l'honorable sénateur Lynch-Staunton a posée au Sénat le 5 décembre 1996, concernant l'exactitude du communiqué concernant la concession de l'aéroport international Pearson à la Greater Toronto Airports Authority.
Les transports
L'aéroport international
Pearson-La concession à la Greater Toronto Airports Authority-L'exactitude du
communiqué concernant les ententes conclues avec
le consortium privé-La position du gouvernement
(Réponse à la question posée par l'honorable John Lynch-Staunton le 5
décembre 1996)
Le document d'information dont parle le sénateur Lynch-Staunton a été préparé par le Ministère pour faire ressortir la différence entre la cession de l'aéroport Pearson à la Greater Toronto Airports Authority (GTAA) et l'entente sur les aérogares 1 et 2. Le document s'attachait surtout au caractère «à but non lucratif» de la GTAA par rapport au caractère «à but lucratif» du consortium intéressé par l'entente sur les aérogares 1 et 2. Étant donné le caractère «à but non lucratif» de la GTAA, les profits nets générés par l'aéroport serviront à apporter des améliorations à l'aéroport ou à réduire les frais pour les usagers. Le sénateur a raison de dire qu'il n'était pas question d'une vente dans l'entente sur les aérogares 1 et 2, mais d'une concession pour 57 ans.
Le passage du document que le sénateur a cité figure à la rubrique «Contrôle unifié de l'aéroport». «L'approche» dont il est question n'a rien à voir avec les ententes conclues entre le gouvernement précédent et le promoteur du secteur privé, mais avec la philosophie générale du gouvernement de l'époque concernant le développement, la gestion et l'exploitation de l'aéroport Pearson. Ce gouvernement a effectivement adressé une demande de propositions au secteur privé en 1993 pour le financement et la construction de pistes et la gestion de l'exploitation des aires de stationnement. Cette demande a été close avant les élections. Les soumissions ont par la suite été scellées et la demande a été annulée. Par contre, la cession de l'aéroport tout entier à la GTAA permet un contrôle plus unifié et plus efficace de son développement, de sa gestion et de son exploitation.
(1430)
[Français]
ORDRE DU JOUR
Le Code criminel
Projet de loi
modificatif-Troisième lecture-
Suite du débat
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Mercier, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en conséquence.
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, le parrain de ce projet de loi a informé cette Chambre, au moment du débat en deuxième lecture, de la nature de celui-ci.
Je désire revenir sur les origines de l'article 745 du Code criminel, je devrais plutôt dire l'article 745.6 pour être plus précis et pour que, tous ensemble, nous comprenions bien de quoi nous parlons.
Il y a 20 ans, en 1976, vous vous en souviendrez, au Canada, nous appliquions encore la peine capitale. Dieu merci, à cette époque, le Parlement du Canada a décidé de cesser cette pratique cruelle et révolue.
Le débat, à l'époque, a beaucoup porté sur ceci: par quoi allons-nous la remplacer? Souvenons-nous qu'à l'époque, la peine capitale était réservée à ceux qui avaient commis un meurtre de la plus grave importance, entre autres, contre les policiers en devoir et les gardiens de prison. En 1976, le gouvernement de l'époque a introduit la notion de meurtre au premier degré.
Un meurtre au premier degré est un meurtre commis avec préméditation. C'est aussi un meurtre commis en échange d'une contrepartie financière, communément appelée un contrat, ou un meurtre commis à l'occasion de la commission d'un autre délit grave: agression sexuelle, vol à main armée et cetera.
Si, à l'occasion de la perpétration d'une infraction, la mort d'une personne s'ensuivait, l'accusé condamné pour meurtre au premier degré recevait une condamnation.
Le gouvernement de l'époque a introduit la notion d'emprisonnement à perpétuité avec un emprisonnement minimum sans droit de libération conditionnelle. Cet emprisonnement minimum fut établi à 25 ans pour les meurtres au premier degré.
Aux fins de mon exposé d'aujourd'hui, je ne traiterai pas de l'accusation de haute trahison, qui est assez rare et n'ajouterait rien au débat d'aujourd'hui, pas plus que du meurtre au deuxième degré, c'est-à-dire tous les meurtres qui ne sont pas du premier degré. Vous comprendrez que cela est moins important tout en étant par ailleurs très grave.
L'article 745 a été introduit à la même époque. Aujourd'hui, on parle de l'article 745.6, mais à l'époque, c'était l'article 745.
Cette disposition du Code criminel permettait et permet encore aujourd'hui à un détenu qui était incarcéré depuis au moins 15 ans, et qui a été déclaré coupable de meurtre ou de haute trahison, de demander à un jury de réduire la période de 10 ans qui lui reste à purger de sa période minimale de 25 ans. Beaucoup de publicité, à l'époque, a entouré la notion du minimum de 25 ans. Peu de publicité a été faite autour de l'article 745.
Je vous avouerai que comme avocat, je connaissais l'existence de cette disposition. Mais nous avons entendu en comité d'autres avocats et experts et des gens du grand public qui sont venus nous expliquer leur ignorance de cette disposition. J'ai exprimé mon désarroi face à cette situation au comité. Si nous prenons l'approche purement professionnelle, purement technique et que nous écoutons les témoignages des professionnels au sujet de l'article 745, c'est-à-dire ceux qui sont régulièrement appelés à défendre les détenus ou à appuyer les demandes des détenus concernant l'application de l'article 745, si nous écoutions tous ces professionnels, nous serions portés à ne même pas vouloir amender l'article 745, à ne pas y toucher et à laisser le système fonctionner. D'ailleurs, le système actuel fonctionne assez bien, selon ces gens.
Nous comprenons par contre le gouvernement qui a voulu répondre aux préoccupations de la population, qui se sent perturbée par la coexistence de ces deux dispositions dans la même loi.
Je vous ai dit tout à l'heure qu'il y a un article qui dit ceci: M. X ou Mme X, vous êtes trouvé coupable de meurtre au premier degré, et vous êtes condamné à l'emprisonnement à perpétuité avec un minimum de 25 ans avant de pouvoir avoir accès au processus de libération conditionnelle. Cet article est connu de tout le monde et a remplacé la peine capitale.
Dans la même loi, on retrouve aussi au Code criminel un article qui dit qu'après 15 ans de réclusion, vous aurez droit à un processus par jury, par lequel vous pourrez faire réduire votre période minimale. Les Canadiens ordinaires, même les avocats, nous ont dit: «Nous ne croyons pas à ce système, pour nous, c'est un déni de justice. Nous ne croyons pas au caractère raisonnable de cette mesure.»
J'ai été, et je l'ai dit à nos collègues au comité, préoccupé à partir de ce moment, entre autres, par le processus technique de l'application de l'article 745. Comme je vous le disais au début, je n'y toucherais pas. Mais 27 millions de Canadiens ne connaissent pas l'article 745, d'une part, et d'autre part, lorsqu'ils en apprennent l'existence, ils trouvent inconcevable qu'une même loi contienne deux dispositions contradictoires. Comme parlementaires, nous devons nous préoccuper non seulement de son application technique, mais aussi de la perception de l'application de la justice. Comme on dit souvent en droit, ce n'est pas tout que justice soit rendue, il faut qu'il y ait apparence que justice a été rendue.
Honorables sénateurs, j'en suis venu à la conclusion que nous devons modifier le processus proposé par le gouvernement. Le gouvernement nous propose, par le projet de loi C-45, de modifier la procédure d'application de l'article 745.6. Je suis d'accord avec le gouvernement. Il faut durcir les mécanismes d'application de l'article 745.
(1440)
Dans quelques minutes, je déposerai un amendement qui ne se veut pas une procédure visant à alourdir davantage le processus de l'article 745. Nous voulons ajouter au processus de l'article 745.6 un élément qui rattache le pouvoir exécutif à toute cette procédure.
Le sénateur Milne a fait référence à la proposition qui nous a été faite en comité par le procureur général de l'Ontario. Cette proposition du procureur général de l'Ontario est la suivante: l'article 745.6 devrait relever de l'intervention du pouvoir exécutif, en ce sens que le procureur général du Canada devrait s'immiscer dès le départ dans l'application de l'article 745.6.
Ne perdons pas de vue qu'il s'agit de 15 ans purgés dans le cadre d'une peine d'emprisonnement à perpétuité dont le minimum est de 25 ans d'emprisonnement. Le gouvernement suggère de conserver l'article 745 et d'ajouter l'implication exécutive du gouvernement. Donc, le procureur général du Canada devrait donner son autorisation, son consentement à l'application du processus de l'article 745.6. Qu'est-ce que cela change? Certains diront que ce seront les fonctionnaires qui prendront les décisions. Cela m'étonnerait beaucoup. Le ministre de la Justice, par le biais du procureur général du Canada, est responsable devant le Parlement de ces décisions. De là découle toute l'importance de cet amendement.
Les Canadiens doivent avoir l'impression que les criminels les plus dangereux, ceux qui ont commis les crimes les plus graves, et pas n'importe quel détenu, ont accès à la procédure de libération conditionnelle.
Cet amendement vise à introduire, dans un processus judiciaire complètement indépendant du pouvoir exécutif, cet élément de responsabilité ministérielle. Pourquoi donc? Il existe dans la sphère du pouvoir exécutif un vieux pouvoir que l'on a longtemps appelé le pouvoir royal de clémence. À l'époque, les rois avaient droit de vie ou de mort sur les prisonniers. Avec le temps, ce pouvoir de clémence a évolué, et nous lui avons donné un cadre. Aujourd'hui, ce sont uniquement les tribunaux qui gèrent l'administration de la justice.
Puisque nous traitons avec des criminels qui sont en prison pour des crimes très graves, je suis d'avis qu'il est temps et qu'il est important, honorables sénateurs, que nous réintroduisions un élément de responsabilité ministérielle.
Est-ce que la tâche du procureur général du Canada sera plus facile? Définitivement pas. À partir de l'adoption de cet amendement, dont je vais vous livrer la teneur dans quelques minutes, le procureur général du Canada aura cette responsabilité.
C'est un peu comme ceux, aux États-Unis, qui ont le pouvoir de commuer la peine capitale en peine d'emprisonnement à perpétuité. Ils n'en dorment pas. Que ce soit les présidents ou les gouverneurs des États, ces gens ont de la difficulté à prendre ces décisions. Et vous savez pourquoi; ce sont des décisions lourdes de conséquences.
Depuis cinq ans, le processus de l'article 745.6 s'applique. La disposition existe depuis 20 ans, mais cela a pris 15 ans pour que des détenus puissent s'en prévaloir. Depuis cinq ans, il y a eu 69 cas d'application de l'article 745.6. De ces 69 cas, 55 détenus ont vu leur période d'incarcération réduite, sûrement pour de très bonnes raisons.
Nous avons entendu, par contre, en comité, des parents des victimes, des représentants de groupes de victimes, des professionnels nous dire qu'il s'agissait d'un système qui, selon eux, était contraire à la justice. Ils veulent croire à un système de justice criminelle juste et ils ne peuvent plus y croire.
Dans certaines provinces canadiennes, des pétitions ont circulé. Des Canadiens se sont insurgés contre l'existence de cette disposition du Code criminel. Je ne vous suggère pas d'abolir cette disposition. Elle a sa raison d'être. Par contre, nous avons le devoir d'en rendre l'application juste.
Tous les témoignages que nous avons entendus nous démontrent hors de tout doute que l'application de cette disposition est perçue par les Canadiens comme injuste. C'est pour cette raison que j'introduis l'amendement suivant.
Motion d'amendement
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je propose donc que le projet de loi C-45 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:a) à l'article 1, par substitution, à la ligne 7, page 1, de ce qui suit:
«une personne peut, avec le consentement du procureur général du Canada, demander, par écrit, au»;
b) à l'article 2, par substitution, à la ligne 16, page 6, de ce qui suit:
«une personne peut, avec le consentement du procureur général du Canada, demander, par écrit, au»;
c) à l'article 2, par substitution, à la ligne 39, page 10, de ce qui suit:
«une personne peut, avec le consentement du procureur général du Canada, demander, par écrit, au».
[Traduction]
Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?
L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser à l'honorable sénateur Nolin. Dans la traduction de la motion d'amendement de l'honorable sénateur, j'ai entendu «Solicitor General».
Le sénateur Nolin: Ce n'est pas exact.
Le sénateur Carstairs: L'amendement porte donc sur la demande émanant du procureur général de l'Ontario, et transmise au ministre de la Justice, qui est aussi le procureur général du Canada.
Le sénateur Nolin: C'est exactement cela. J'ai peut-être parlé trop rapidement.
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Carstairs désire-t-elle parler de l'amendement?
Le sénateur Carstairs: Votre Honneur, je crois que le sénateur Cools désire prendre la parole.
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je désire intervenir sur la motion principale, mais je n'avais pas prévu l'amendement proposé par le sénateur Nolin. J'aimerais pouvoir intervenir demain, après avoir revu mon intervention à la lumière de l'amendement.
(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)
La justice
L'enquête sur la vente des
appareils Airbus
à Air Canada-Avis d'interpellation
Permission ayant été accordée de revenir aux Avis d'interpellation:
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément aux paragraphes 56(1), 56(2) et 57(2) du Règlement, je donne avis que, dans deux jours, j'attirerai l'attention du Sénat:
sur l'affaire Airbus et les accusations contre l'ex-premier ministre Brian Mulroney contenues dans un document du ministère de la Justice, voulant que M. Mulroney soit «impliqué dans une conspiration criminelle consistant à accepter des paiements en échange d'influence utilisée pour qu'Air Canada achète des avions d'Airbus»;
sur le fait que cette affaire fait peser un malentendu, un embarras et un doute sur le système; sur le traitement de ces questions;
sur l'érosion du processus parlementaire;
sur le tort causé au gouvernement parlementaire, au Cabinet du premier ministre, au principe de la responsabilité ministérielle, au Parlement et aux sénateurs, dont moi-même, qui ont voté sur le projet de loi C-129, Loi sur la privatisation d'Air Canada, le 4 août 1988 au comité sénatorial permanent des banques et du commerce;
et sur la croyance que le Parlement, dans le souci de protéger la confiance du public et son intégrité, doit prendre connaissance de ces questions et les porter à l'attention du Parlement.
(1450)
Projet de loi sur les additifs
à base de manganèse
Deuxième lecture-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kenny, appuyée par l'honorable sénateur Bonnell: Que le projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse, soit lu une deuxième fois.
L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, j'ai quelques réflexions à livrer sur ce projet de loi. Mes propos porteront sur l'environnement et sur les conséquences pour les raffineries et pour le Canada atlantique, surtout la Nouvelle-Écosse.
Ce projet de loi est compliqué, tellement compliqué que, comme le sénateur Kenny, je ne vais même pas tenter d'expliquer ce qu'est le MMT. Je sais qu'il s'agit de manganèse et d'un additif. C'est un additif qui élève l'indice d'octane de l'essence.
Au cours des derniers mois, nous avons entendu le point de vue des partisans du projet de loi et celui de ses détracteurs. En somme, les partisans du projet de loi disent qu'il faut l'adopter parce que le MMT est une menace grave pour la santé des Canadiens et dégrade notre environnement. Les partisans de cette mesure disent que le MMT nuit au bon fonctionnement des dispositifs installés à bord des véhicules pour contrôler les émissions. Ils ont soutenu également que le Canada devait adopter ce projet de loi pour s'harmoniser avec les États-Unis, qui ont interdit cet additif de l'essence.
Ceux qui s'opposent au projet de loi disent que son adoption aurait des conséquences nuisibles pour l'environnement et risque de faire augmenter les émissions de gaz à effet de serre et autres gaz des raffineries. Cela comprendrait bien entendu les émissions de dioxyde d'azote des systèmes d'échappement. Les adversaires du projet de loi ajoutent qu'il fera augmenter la demande de pétrole brut, car il faudra modifier la charge d'alimentation pour produire des carburants à plus haut indice d'octane; il y aura aussi augmentation des émissions des systèmes d'échappement et des émissions de dioxyde d'azote.
Les adversaires disent encore qu'il y aurait des répercussions économiques sur les raffineries et donc sur les consommateurs. Si les coûts pour les raffineries augmentent, les prix de l'essence vont aussi augmenter. Des emplois risquent de disparaître.
Nos raffineries, surtout dans le Canada atlantique, demeureraient plus concurrentielles si le projet était rejeté, car les États-Unis ont levé l'interdiction qui pesait sur le MMT. Si le projet de loi est adopté, il empêchera nos raffineries d'utiliser cet additif et elles devront absorber des coûts supplémentaires pour produire des carburants différents pour l'étranger. Nos raffineries et donc nos provinces et leurs habitants seront les perdants économiques.
Cette mesure semble également aller à l'encontre de l'esprit de l'accord de libre-échange et de l'intention de ses signataires. Le projet de loi vise en effet à interdire le MMT par le biais du commerce plutôt que par des dispositions sur la protection de l'environnement. Voilà essentiellement les raisons avancées par les partisans et les adversaires du projet de loi.
Les partisans du projet de loi affirment que le MMT est nuisible à la santé. Voyons ce que Santé Canada en pense.Le 6 décembre 1994, Santé Canada a publié les résultats d'un rapport d'évaluation indépendant concernant les risques. L'étude, intitulée «Risk Assessment for the Combustion Products of MMT in Gasoline», mettait l'accent sur les nouvelles études épidémiologiques et les risques au Canada. L'étude de Santé Canada a révélé que l'utilisation de MMT dans l'essence ne pose aucun risque pour la santé dans aucun segment de la population. Les émissions de manganèse provenant de la combustion du MMT dans les véhicules à moteur à essence ne pénètrent pas l'atmosphère en quantités ou dans des conditions telles qu'elles peuvent créer un risque pour la santé. Voilà pour ceux qui prétendent que le MMT serait nuisible à la santé.
Si le MMT comporte un risque pour la santé, comment expliquer que nos raffineries l'utilisent depuis près de 20 ans et que soudainement on craint pour notre santé? Santé Canada a répondu à cette question.
Il y en a qui soutiennent que le MMT endommagera les dispositifs antipollution. C'est ce qu'affirment en tout cas ceux qui appuient la mesure législative. Honorables sénateurs, il n'existe pas de preuves scientifiques selon lesquelles le MMT causerait le mauvais fonctionnement des systèmes antipollution. Certaines études ont même prouvé le contraire. D'autres études se poursuivent, mais les résultats n'ont pas encore été diffusés par le secteur automobile.
Par ailleurs, en décembre 1993, l'Environment Protection Agency aux États-Unis a affirmé que le MMT:
... n'est absolument pas en cause dans les cas où les véhicules ne satisfont pas aux normes exigées par la loi américaine dite Clean Air Act...
Je pense que nous pouvons tous convenir que la loi américaine est l'une des meilleures mesures législatives contre la pollution de l'air qui existent sur notre continent.
(1500)
La cour suprême des États-Unis a ordonné à l'EPA d'approuver l'utilisation du MMT aux États-Unis, car elle était d'accord avec la conclusion selon laquelle le MMT n'est absolument pas en cause dans les cas où les véhicules ne satisfont pas aux normes antipollution applicables.
Beaucoup de partisans du projet de loi prônent l'harmonisation de notre politique et de celle des États-Unis. Ils sont un peu dépassés, puisque les États-Unis ont déjà levé l'interdiction qui frappait le MMT. L'EPA a levé l'interdiction non pas en raison de problèmes de procédures, mais bien parce que l'agence affirmait que le MMT n'avait rien à voir avec les défaillances déjà mentionnées. Aucun appel n'a été interjeté aux États-Unis et 40 entreprises américaines ont informé les producteurs de MMT qu'elles avaient enregistré au moins une de leurs raffineries qui utilisera le MMT. Des 24 grandes pétrolières américaines, 18 sont déjà enregistrées à titre d'usagères du MMT. Quant à nous harmoniser avec les États-Unis, nous ne devrions même pas débattre de ce projet de loi, puisque l'harmonisation signifierait le maintien de l'utilisation du MMT.
C'est un fait, et je crois que tout le monde ici sait que six provinces contestent ouvertement l'interdiction du MMT, comme le prouvent plusieurs lettres que j'ai reçues.
Le ministre de l'Environnement du Nouveau-Brunswick,Vaughn Blaney, déclare ceci:
Je crois comprendre que les fabricants de véhicules à moteur saisissent désormais mieux les répercussions négatives que la suppression de ce produit aurait pour l'environnement et pour l'économie, et qu'ils sont disposés à apporter à leurs systèmes les adaptations techniques qui vont permettre une utilisation harmonieuse de cet additif.
Étant donné que ni le gouvernement fédéral ni l'industrie automobile n'ont fourni l'information et les assurances que notre gouvernement et les raffineries leur avaient demandées concernant l'incidence économique et écologique de ce projet de loi et compte tenu des discussions qui ont cours à l'heure actuelle sur l'utilisation de ce composé aux États-Unis, je demande par la présente que ce projet de loi soit mis de côté tant que le gouvernement canadien n'aura pas clairement répondu aux questions soulevées et que le gouvernement américain n'aura pas pris une décision concernant l'utilisation de cet additif.
En Nouvelle-Écosse, une autre province qui conteste cette interdiction, le gouvernement a tenu de nombreuses réunions avec divers ministères. Dans une lettre qu'il a fait parvenir au premier ministre, le premier ministre John Savage a dit:
Par suite de ces réunions et de la recherche, le gouvernement néo-écossais continue de contester l'interdiction qui frapperait l'importation et le commerce interprovincial du MMT qui seraient régis par le projet de loi C-29 pour les raisons suivantes.
1. L'allégation voulant que le MMT nuit au bon fonctionnement des systèmes diagnostiques de bord des nouvelles voitures, qui est le fondement du projet de loi C-29, reste à prouver scientifiquement. Elle est contestée par Ethyl Canada, l'industrie pétrolière canadienne et même des fabricants d'automobiles.
Voilà ce que dit le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, l'honorable John Savage.
Le sénateur Lynch-Staunton: Que dit McKenna?
Le sénateur Buchanan: Peu importe ce qu'il dit, car le premier ministre du Nouveau-Brunswick est habituellement mal informé, comme j'ai pu le prouver par mes communiqués. Il est à remarquer que le ministre du Nouveau-Brunswick qui a écrit la lettre est Vaughn Blaney, parce que je crois que le premier ministre de cette province s'est dit en désaccord avec son propre ministre. C'est une controverse qui a cours au Nouveau-Brunswick, et je ne me mêle jamais des controverses qui ont cours là-bas.
Une étude indépendante sur le bien-fondé de pareille allégation doit être menée sous les auspices du Conseil canadien des ministres de l'Environnement, afin que nous puissions avoir l'assurance que le projet de loi dont nous sommes saisis est présenté pour une raison scientifique valable.
On a d'abord pensé que l'utilisation du MMT pouvait avoir des effets préjudiciables sur la santé, ce qui avait motivé le dépôt du projet de loi C-29, mais ces soupçons se sont révélés sans fondement, selon Santé Canada.
Plus loin, la lettre poursuit:
Enfin, je dois souligner que la reformulation de l'essence qui serait nécessaire si le MMT était interdit entraînerait une hausse des coûts d'exploitation de 5 à 10 p. 100 à la raffinerie de la Pétrolière Impériale de Dartmouth. Cela placerait la raffinerie dans une situation financière précaire et menacerait 234 emplois spécialisés.
La Nouvelle-Écosse a déjà subi des pertes d'emplois disproportionnées dans la fonction publique à la suite des compressions fédérales et du transfert de personnel et de services dans d'autres provinces. La perte des emplois supplémentaires dans le secteur privé à la suite d'un changement d'orientation qui s'appuie sur des allégations non prouvées, voire réfutées dans certains cas, serait tout simplement inacceptable.
Le projet de loi C-29 devrait rester en veilleuse jusqu'à ce qu'une étude scientifique exhaustive puisse déterminer la véracité des allégations concernant le MMT.
Signé: John Savage, premier ministre de la Nouvelle-Écosse.
Je partage tout à fait l'avis du premier ministre de ma province.
Maintenant, quelles seront les répercussions sur les raffineries? À une réunion des ministres de l'Énergie du Canada qui a eu lieu à Yellowknife, tous les ministres, sauf celui de l'Ontario, tous les ministres de l'Énergie du Canada, y compris ceux des deux gouvernements territoriaux, ont convenu que le projet de loi devrait rester en veilleuse en attendant la réalisation d'autres études concernant les répercussions sur l'environnement et sur les raffineries. Il me semble que si nous souhaitons une coopération fédérale-provinciale, le gouvernement devrait certainement prendre en considération l'opinion de ces ministres, notamment ceux des six provinces qui se sont ouvertement opposées à cette interdiction.
Le sénateur Kinsella: Pourquoi le gouvernement fait-il cela alors?
Le sénateur Buchanan: C'est ce que nous découvrirons lors des audiences du comité.
Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles tiendra des audiences auxquelles pourront participer des groupes d'intérêts des deux camps, et nous pourrons alors en savoir davantage.
Quelles sont les répercussions pour les raffineries? Je vais lire certaines remarques venant d'autres provinces. Premièrement, l'élimination du MMT entraînera une augmentation des coûts pour les raffineries. Voici une lettre envoyée à Environnement Canada par le ministre de l'Environnement et de la Gestion des ressources de la Saskatchewan:
Nous nous inquiétons aussi des répercussions de cette décision sur la Consumers Co-operative Refineries Limited, à Regina. Cette association nous a signalé que les coûts de raffinage augmenteront de l'ordre de 500 000 $ par année si le MMT est interdit. Nous avons du mal à trouver une justification à ce coût alors que cette mesure ne semble procurer aucun avantage tangible pour la qualité de l'air.
Pour sa part, le président de l'ICPP a dit que, du point de vue économique, l'élimination du MMT augmenterait de plus de 90 millions de dollars les coûts d'exploitation des raffineries.
Le ministre de l'Énergie de l'Alberta a dit craindre, dans une lettre datée d'avril 1996, que si le MMT était interdit, il faudrait faire d'importants travaux dans les raffineries pour changer la capacité de reformage.
Honorables sénateurs, selon le ministre, il en coûterait entre 100 millions et 120 millions de dollars et des frais annuels de 15 millions par la suite, sans qu'on ait démontré les avantages de cette mesure pour l'environnement. Cette position est celle de l'Alberta.
(1510)
Selon le ministre de l'Énergie du Québec, l'Assemblée nationale du Québec souhaite s'assurer que le gouvernement fédéral n'imposera pas aux compagnies pétrolières une taxe additionnelle de 80 millions de dollars, dont les compagnies du Québec payeraient 12 millions. Le Bureau de commerce de Montréal, appuyant l'Assemblée nationale du Québec, a déclaré que, selon les données disponibles, l'élimination du MMT et l'utilisation de produits de remplacement coûteraient 12,5 millions de dollars à l'industrie pétrolière de l'est de Montréal et pourraient mettre en danger ses raffineries, qui emploient 4 000 personnes dans la région de Montréal.
Le premier ministre de l'Alberta, M. Ralph Klein, a déclaré que l'interdiction du MMT risque d'accroître les émissions plutôt que de les réduire. Il est d'avis que le projet de loi C-29, qui ne comporte aucun avantage visible mais pourrait même avoir des répercussions nuisibles sur l'environnement, obligera les raffineries de l'Ouest à débourser environ 100 millions de dollars en immobilisations et leur coûtera par la suite 15 millions de dollars par année en frais continus.
La Saskatchewan a aussi donné son point de vue. J'ai déjà exposé les points de vue de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Selon M. Vaughn Blaney et les représentants de Irving Oil, la plus importante raffinerie au Canada, il ne fait aucun doute que l'interdiction du MMT aura pour eux des effets nuisibles. Cette mesure portera un dur coup à la compétitivité de l'industrie face aux compagnies américaines, puisque l'interdiction du MMT a été levée aux États-Unis.
Le ministre de l'Environnement, Sergio Marchi, areconnu que le projet de loi C-29 allait faire supporterun fardeau supplémentaire aux raffineries canadiennes.Le 25 septembre 1996, il a déclaré:
Dans le cadre de l'étude, on a estimé que l'élimination du MMT coûtera aux raffineries du Canada 150 millionsde dollars en dépenses d'immobilisation et 50 millionsde dollars par année en frais d'exploitation supplémentaires.
Rappelez-vous, honorables sénateurs, que cette mesure ne comporte aucun avantage tangible pour l'environnement et il se peut même qu'elle ait des répercussions négatives.
Examinons de plus près la région de l'Atlantique qui m'intéresse beaucoup, ainsi que des gens comme le sénateur Graham, le sénateur Moore, le sénateur Lewis de Terre-Neuve, les sénateurs du Nouveau-Brunswick et d'autres de la région de l'Atlantique.
J'ai déjà lu des lettres du ministre de l'Environnement du Nouveau-Brunswick et du premier ministre de la Nouvelle-Écosse. Il n'y a donc absolument aucun doute que cette interdiction aura de graves répercussions négatives sur les raffineries de la région de l'Atlantique, surtout la petite raffinerie de la Pétrolière Impériale à Dartmouth. Mon collègue, le sénateur Forrestall, la connaît bien. Nous avons perdu deux raffineries en Nouvelle-Écosse au cours des dernières années. Nous avons perdu la raffinerie Gulf de Port Hawkesbury, à Point Tupper, ainsi que la raffinerie Texaco, de Dartmouth. Nous n'allons pas perdre la raffinerie de la Pétrolière Impériale à Dartmouth à cause de ce projet de loi. Étant donné sa petite taille et son emplacement, la raffinerie de Dartmouth n'est absolument pas à l'abri de la concurrence étrangère et elle doit livrer une lutte continue pour demeurer compétitive.
Rappelez-vous de ceci, honorables sénateurs: contrairement à ce que certains sénateurs ont déjà dit, on a levé l'interdiction sur le MMT aux États-Unis. Des raffineries américaines ont déjà été enregistrées à titre d'usagères du MMT. Si le MMT est interdit ici, la raffinerie de la Pétrolière Impériale, celle à Come-by-Chance, celle d'Irving et, bien sûr, toutes les autres raffineries ne seront pas en mesure de demeurer compétitives. J'ai les faits pour appuyer cela dans les lettres provenant du premier ministre de la Nouvelle-Écosse, de ministres du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve où la raffinerie de Come-by-Chance exporte vers les États-Unis. Rappelez-vous qu'on a levé l'interdiction aux États-Unis.
Au cours des dernières années, le siège social de la Pétrolière Impériale a dit à la petite raffinerie de Dartmouth qu'elle devait réduire ses coûts et devenir plus compétitive, ce qu'elle a fait. Pétrolière Impériale a déployé d'énormes efforts au fil des ans pour réduire ses coûts d'exploitation et demeurer compétitive. L'élimination du MMT dans l'essence va annuler presque complètement tous les efforts déjà déployés surtout au cours des deux ou trois dernières années pour réduire les coûts. Même si l'élimination du MMT n'entraînera pas directement la fermeture de la raffinerie, il s'agira d'un coup dur de plus pour cette raffinerie et, chose certaine, cela n'aidera pas à la survie à long terme de cette petite usine.
Encore une fois, je me réfère à celui qui est actuellement à la tête de la Nouvelle-Écosse et qui dit:
Cela va mettre la raffinerie dans une situation financière précaire et menacer près de 250 emplois.
Honorables sénateurs, et les autres raffineries? Il ne fait pas de doute que l'utilisation du MMT a été approuvée aux États-Unis et que, si elle était interdite au Canada, cela nuirait sur le plan de la concurrence aux raffineries de la région de l'Atlantique.
Encore une fois, je tiens à faire remarquer aux sénateurs de Terre-Neuve et du Nouveau-Brunswick l'impact négatif que cette mesure aura sur la grosse raffinerie de Saint John, Irving Oil, et sur la raffinerie de Come-by-Chance, dans l'Atlantique Nord, qui exporte d'importantes quantités de pétrole aux États-Unis.
Honorables sénateurs, il est important que ce projet de loi soit renvoyé au comité. Tous les partis qui souhaitent exprimer leur opinion à ce sujet auront la possibilité de le faire, ce qu'ils n'ont pas pu faire lors des audiences du comité de la Chambre des communes, parce qu'elles ont été trop courtes.
Je suis aussi en faveur de confier à une tierce partie neutre l'évaluation finale du MMT. Il est intéressant de noter qu'aux États-Unis, cette évaluation est en cours et se poursuivra au cours des 12 prochains mois, alors qu'au Canada, les fabricants d'automobiles n'ont pas fait ce genre d'évaluation.
Je voudrais faire encore une remarque. La raison pour laquelle il est important de faire faire cette évaluation et de tenir des audiences, c'est que l'allégation voulant que le MMT nuit aux systèmes diagnostiqueurs de bord qui sont installés, ce qui en soi justifie la présentation de ce projet de loi, n'est pas scientifiquement prouvée. Quand nous étions à Los Angeles avec le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, j'ai demandé si le MMT était interdit en Californie. On m'a répondu que non, que l'interdiction avait été levée partout aux États-Unis, qu'on ne l'utilisait pas simplement parce qu'il n'avait jamais été utilisé en Californie.
Les questions qu'il faut ensuite se poser sont: le MMT pose-t-il un problème pour l'environnement? Va-t-il nuire à la santé? Est-il dangereux pour la santé? La réponse est qu'il n'existe aucune étude démontrant qu'il est dangereux ou non. Cela contredit ce qu'on dit parfois, que la Californie l'a interdit parce qu'il présente un danger pour la santé. Ce n'est pas la raison, puisque la Californie n'a jamais étudié cette substance.
(1520)
Une autre raison pour laquelle notre comité doit étudier cette question à fond, de même que l'industrie, c'est que, selon Santé Canada, l'idée qu'il y aurait des risques pour la santé n'est pas fondée. Il ne fait pas de doute que le MMT réduit les émissions de NOx. Ces émissions contribuent de façon importante à la formation d'ozone au sol, un important facteur de pollution transfrontalière qu'on trouve en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve. La nécessité de modifier le carburant pourrait entraîner une hausse de 5 à 10 p. 100 dans notre petite raffinerie de la Compagnie pétrolière Impériale, située à Dartmouth.
Encore une fois, le MMT est utilisé depuis 20 ans presque partout au Canada sans qu'il y ait jamais eu de plaintes de la clientèle.
J'appuie le projet d'étude. J'appuie le projet d'audiences du comité. J'appuie aussi tous les gouvernements des Maritimes qui s'opposent à ce projet de loi dans l'intérêt de nos raffineries, de nos emplois, de l'économie et de notre environnement.
Honorables sénateurs, avec toute l'information dont je dispose maintenant, je m'oppose tout à fait à ce projet de loi.
L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je veux poser une question au sénateur.
Le sénateur Buchanan a cité un certain nombre de lettres. Accepterait-il de déposer maintenant ces lettres?
Le sénateur Buchanan: Certainement. Je vais le faire immédiatement.
L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, le sénateur Buchanan accepterait-il de répondre à une ou deux questions?
Dans un esprit de collaboration, serait-il assez bon de dire à la Chambre ce que signifient les lettres MMT?
Le sénateur Buchanan: Méthylcyclopentadiényl manganèse tricarbonyle.
Le sénateur Kenny: Je partage votre inquiétude au sujet de la raffinerie de Dartmouth. C'est pour nous tous une inquiétude très légitime. En effet, nous savons que son existence est menacée depuis un certain temps par le siège social. Certains pensent que la question du MMT est une excuse pour arrêter la production. Le sénateur peut-il assurer aux sénateurs que la raffinerie ne fermera pas ses portes si le projet de loi n'est pas adopté?
Le sénateur Buchanan: Je me demande d'où le sénateur sort l'idée que le MMT servira de prétexte à fermer la raffinerie. C'est absolument ridicule.
Je ne peux certainement pas garantir que la raffinerie d'Imperial Oil à Dartmouth continuera à fonctionner, mais il y a environ trois ans, lorsqu'Esso a mis Imperial Oil en demeure de devenir plus productive et de diminuer les coûts, les travailleurs et la direction ont fait ce qu'on leur demandait. La raffinerie est devenue plus productive, s'alignant sur les autres raffineries nord-américaines. Le problème est que notre position concurrentielle sera affaiblie si le MMT est interdit - et on me l'a redit aujourd'hui. Je le tiens d'une source sûre et pas des moindres, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, qui maintient que les études du gouvernement de la Nouvelle-Écosse et d'Imperial Oil, indiquent que nous ne serons plus aussi compétitifs si on interdit le MMT et si la raffinerie doit dépenser un nombre des millions de dollars pour formuler de nouveaux additifs afin de relever l'indice d'octane. Cela risque de rendre Imperial Oil encore moins compétitive qu'elle ne l'est déjà.
Ni le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, ni moi, ni les gens qui connaissent le fonctionnement de la raffinerie ne voudrions qu'elle devienne moins compétitive qu'à l'heure actuelle; les employés ont travaillé trop fort depuis quelques années pour qu'elle soit plus compétitive. Il n'y a certainement aucune preuve scientifique pour étayer la théorie selon laquelle l'environnement en bénéficiera. Et pourtant, on ne manque pas de preuves scientifiques que cela nuira à l'environnement.
Le sénateur Kenny: Si je comprends bien, le sénateur Buchanan n'a aucune assurance que l'usine continuera à fonctionner, avec ou sans MMT.
Le sénateur Buchanan: Cette question est hypothétique. Je ne téléphonerai pas aux dirigeants d'Esso ou Exxon pour leur demander: «Pouvez-vous m'assurer que, si je fais ce discours, vous ne fermerez pas l'usine?» Je peux seulement vous dire que je connais cette raffinerie. Je l'ai observée au fil des ans. J'ai aussi vu deux autres raffineries fermer leurs portes en Nouvelle-Écosse et je suis d'accord avec John Savage lorsqu'il affirme que nous n'allons pas laisser une telle chose se produire en Nouvelle-Écosse et qu'on ne devrait pas accepter cela à Terre-Neuve ou à la raffinerie Irving du Nouveau-Brunswick.
L'honorable Nicholas W. Taylor: Puis-je aussi poser une question à quelqu'un de si expérimenté? Le sénateur a-t-il bien vérifié la différence entre l'ajout de MMT et la reformulation de l'essence? J'ai l'impression que nous confondons deux choses. L'addition de MMT signifie que nous achetons un litre d'additif à la société Ethyl, que nous le versons dans l'essence et que le mélange est émis. La reformulation de l'essence, c'est la vague de l'avenir qui envahit déjà le pays. Elle signifie qu'il faut modifier les raffineries pour qu'elles puissent produire une forme d'essence plus oxygénée comme on l'appelle.
Les recherchistes du sénateur font-ils la différence entre l'addition de MMT et la reformulation de l'essence? Mon collègue a utilisé ces termes, mais ils ne sont pas interchangeables. Il s'agit de deux procédés entièrement différents. Comme le sénateur le sait, puisqu'il est d'origine écossaise tout comme moi, il y a plusieurs sortes de whisky écossais; il y a les whisky de pur malt et les whisky mélangés. Il en va de même pour l'essence. Il y a l'essence reformulée et celle qui ne l'est pas. Il s'agit de formes différentes. Vous avez employé le mot «formulée» et, en ma qualité d'ancien ingénieur, cette expression m'a surpris. Je crois que votre recherchiste a mêlé les deux notions.
Le sénateur Buchanan: Les autres additifs qui peuvent remplacer le MMT seraient plus dispendieux pour les raffineries canadiennes que le statu quo. Ce n'est pas moi qui l'affirme, mais plutôt les raffineries de l'Ouest du Canada, qui ont clairement indiqué qu'elles devront payer des millions de dollars supplémentaires pour adapter leur matériel aux nouveaux additifs si elles sont forcées de ne plus utiliser le MMT.
Un des aspects étranges de cette affaire, c'est que toutes nos raffineries utilisent le MMT depuis 20 ans au Canada et que maintenant, ce sont les raffineries américaines qui l'utiliseront. Si on nous l'interdit, nous serons moins compétitifs.
Le sénateur Rompkey: Pas en Californie.
Le sénateur Buchanan: Il n'a jamais été utilisé en Californie. Son utilisation n'a jamais été nécessaire. Le sénateur Rompkey était là lorsque j'ai demandé quels étaient les dangers pour la santé et qu'on nous a répondu que c'était sans intérêt pour eux puisqu'il n'est pas utilisé. Néanmoins, son utilisation est maintenant permise en Californie.
En réponse au sénateur Taylor, pourquoi sommes-nous si pressés? Voilà 20 ans que nous utilisons le MMT. C'est un produit qui a aidé les raffineries de la région atlantique. Maintenant, on prend une initiative qui va leur faire du tort, peut-être en faire fermer certaines. Nous pourrions perdre d'autres emplois. Le taux de chômage dans cette région est pourtant assez élevé, particulièrement en Nouvelle-Écosse, dans le nord du Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve. Le taux de chômage est vraiment très élevé.
Pourquoi ne pas attendre un an, jusqu'à ce que l'on ait une étude faite par un tiers qui soit parfaitement neutre? D'après ce qu'on m'a dit, si l'on faisait faire une telle étude et si elle révélait des dangers, l'ICPP serait prêt à éliminer volontairement le MMT. Cependant, il veut d'abord une telle étude.
Pourquoi voulons-nous aller aussi vite? Nous pourrions attendre un an et faire faire cette étude à laquelle l'ICPP est prêt à collaborer. Où est la hâte, puisqu'on l'utilise depuis 20 ans? Est-ce que nous voulons vraiment faire quelque chose qui va supprimer des emplois, particulièrement dans la région atlantique, et coûter 150 millions immédiatement aux raffineries canadiennes, puis 50 millions par année après cela? Nous allons tous payer davantage pour faire le plein et nous ne saurons pas pourquoi, vu qu'il n'y aura jamais eu d'étude pour déterminer si, oui ou non, c'est néfaste pour l'environnement.
Peut-être devrait-on se débarrasser de Santé Canada. En effet, Santé Canada a déclaré que ce n'était pas un danger pour la santé des Canadiens, et je crois ce ministère.
L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, dans la documentation que nous avons reçue du ministère, il y a une lettre, en date du 5 juin 1996, adressée au premier ministre du Canada et signée par le premier ministre de la Nouvelle-Écosse. Dans le deuxième paragraphe, M. Savage dit:
Nos inquiétudes au sujet de l'interdiction projetée tournent autour de deux questions.
Honorables sénateurs, la première question est l'environnement, dans la perspective du gouvernement de Nouvelle-Écosse. C'est important pour les sénateurs qui s'intéressent à la protection de l'environnement et à l'incidence de ce projet de loi à cet égard.
Le premier ministre Savage écrit encore:
Tout d'abord, la Nouvelle-Écosse reçoit actuellement un afflux de ce qu'on appelle l'ozone troposphérique qui provient de l'extérieur de ses frontières. Or, une des principales composantes de l'oxyde d'azote, un polluant, peut être réduite de façon mesurable grâce à l'utilisation du MMT comme additif.
C'est pourquoi le gouvernement de la Nouvelle-Écosse soutient que sa principale préoccupation est de nature environnementale, car les vents dominants, qui viennent du Haut-Canada, charrient non seulement des idées malsaines mais également de l'air pollué.
Sa deuxième préoccupation est la suivante: le remplacement du MMT par un autre additif antidétonant pourrait porter un dur coup au secteur des raffineries de votre province. Êtes-vous d'accord avec le premier ministre de votre province?
Le sénateur Buchanan: Comme je l'ai déjà mentionné, quand le premier ministre de notre province a raison d'après moi, je suis d'accord avec lui, et c'est tout à fait le cas de cette lettre qu'il a écrite à l'honorable Jean Chrétien, premier ministre du Canada.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)
Dépôt de documents
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, tout à l'heure l'honorable sénateur Corbin a demandé à l'honorable sénateur Buchanan de déposer les lettres qu'il a citées. Selon mes renseignements, il faut pour cela obtenir au préalable la permission du Sénat.Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que ces documents soient déposés?
Des voix: D'accord.
La Loi sur la gestion des finances publiques
Projet de loi modificatif-Deuxième lecture
L'honorable Pierre De Bané propose: Que le projet de loi C-270, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (session du Parlement), soit lu une deuxième fois.- Honorables sénateurs, cette modification fait en sorte qu'il ne sera pas possible d'avoir recours à des mandats spéciaux du gouverneur général entre les sessions du Parlement. Cela ne sera possible qu'après la dissolution du Parlement et avant le rappel d'un nouveau Parlement.
Comme vous le savez, en période électorale, un gouvernement peut avoir recours à des mandats spéciaux du gouverneur général. C'est tout à fait clair. Cela a toujours été le cas. À la suite de la dissolution des Chambres, lorsqu'on ne peut rappeler le Parlement pour voter des crédits donnant au gouvernement la possibilité de financer le fonctionnement de la fonction publique, il est normal d'avoir un mécanisme grâce auquel le gouvernement peut avoir accès aux fonds publics pour payer des factures. Pour ce faire, on a recours à des mandats spéciaux du gouverneur général. Il est courant qu'on utilise ces mandats entre les sessions du Parlement.
Ce projet de loi découle de ce qui s'est produit en 1988. Les sénateurs se rappellent qu'il y a eu des élections le 21 novembre 1988. On a rappelé les chambres le 12 décembre de cette année-là. La session a duré environ deux semaines. À part le discours du Trône et un bref débat sur ce dernier, qu'on n'a jamais terminé, la Chambre n'a pas voté de crédits durant cette session de deux semaines. On a présenté le projet de loi sur le libre-échange qu'on a fait adopter à toutes les étapes en ayant recours à la clôture à plusieurs reprises.
L'adoption de ce projet de loi a marqué la fin de la session. La Chambre des communes a alors ajourné ses travaux pour la période des fêtes jusqu'à une date fixe en février. Juste avant cette date, le Parlement a été prorogé jusqu'en avril. Comme aucun crédit n'avait été voté et aucun budget supplémentaire définitif, pas même un budget supplémentaire à mi-parcours, n'avait été adopté, le gouvernement a décidé de puiser à même le Trésor les sommes dont il avait besoin et cela, au moyen de mandats spéciaux du gouverneur général.
Honorables sénateurs, ce projet de loi vise à limiter le recours aux mandats spéciaux à la période qui se situe entre la dissolution du Parlement et le rappel du nouveau Parlement après les élections.
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui dans le débat à l'étape de l'étude en deuxième lecture du projet de loi C-270. Il s'agit d'une mesure d'initiative parlementaire parrainée par Peter Milliken, député de Kingston et les Îles.
Avant d'examiner ce projet de loi en profondeur, je rends hommage à son parrain, M. Milliken. J'ai la certitude que la volonté d'améliorer le fonctionnement du Parlement sous-tend ce projet de loi, qui présente toutefois de nombreux défauts.
La mesure ne renferme qu'un seul article, mais cet article modifierait beaucoup le fonctionnement du gouvernement au chapitre des finances. Il limite la période durant laquelle le gouvernement peut financer ses activités en ayant recours à des mandats du Gouverneur général. À l'heure actuelle, aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques, le gouvernement peut utiliser ces mandats quand le Parlement ne siège pas ou s'est ajourné indéfiniment ou à une date postérieure de plus de deux semaines à celle de l'autorisation d'utiliser le mandat. En vertu du projet de loi C-270, un mandat ne pourrait être utilisé que pendant la période où le Parlement ne siège pas par suite d'une dissolution aux fins d'élections générales et pendant la période de 60 jours qui suit le retour des brefs, à la condition que le Parlement ne siège toujours pas. Comme dans le cas de l'article existant de la Loi sur la gestion des finances publiques, il doit y avoir un besoin urgent de fonds dans l'intérêt public, sans quoi aucun crédit n'est accordé.
(1540)
Certains soutiennent que la période de 60 jours est raisonnable pour qu'un gouvernement soit prêt à se présenter au Parlement. Les statistiques révèlent que, entre la 25e et la 35e législatures, la période entre la date du retour des brefs après des élections fédérales et celle où le Parlement a de nouveau été convoqué était de 51 jours en moyenne. Par conséquent, une période de 60 jours donnerait même à un nouveau gouvernement assez de latitude pour, s'il le juge nécessaire, réunir l'argent au moyen de mandats du Gouverneur général.
Comment en sommes-nous arrivés au point où il est nécessaire de présenter un projet de loi qui, en fait, limite le pouvoir de l'exécutif en même temps qu'il modifie le pouvoir du Parlement sur les dépenses?
Au début, les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques qui portaient sur l'utilisation des mandats spéciaux du Gouverneur général stipulaient:
Lorsque, pendant une intersession, il survient à un ouvrage ou édifice public quelque dommage imprévu et qu'une dépense en vue de la réparation ou du renouvellement de cet ouvrage ou édifice s'impose d'urgence, ou si, pendant une intersession, il surgit un autre cas à l'égard duquel une dépense non prévue par le Parlement, ou à laquelle celui-ci n'avait pas pourvu, est requise d'urgence pour le bien public, le gouverneur en conseil, sur le rapport du ministre indiquant l'absence de tout crédit aux fins de la dépense et sur le rapport du ministre compétent déclarant que la dépense est instamment requise, peut ordonner la préparation d'un mandat spécial à signer par le gouverneur général, autorisant le paiement du montant qu'on estime requis pour ladite dépense. Ce montant est déposé par le ministre des Finances et receveur général dans un compte spécial, sur lequel des chèques peuvent être émis de temps à autre en la forme habituelle, quand le besoin s'en présente.
La disposition actuelle, que le projet de loi C-270 cherche à remplacer, exige que le gouvernement démontre que le mandat spécial est nécessaire pour une dépense «requise d'urgence pour le bien public».
Telle que libellée à l'origine, il est clair que cette disposition visait à répondre à des cas d'urgence qui se présentaient pendant une intersession du Parlement. Longtemps encore après la Confédération, le Parlement ne se réunissait que pendant une faible partie de l'année. Il aurait été ridicule de se donner la peine de reconvoquer le Parlement pour faire adopter un crédit permettant de réparer un toit qui fuyait ou de reconstruire une partie de l'édifice détruit par un incendie.
En 1896, toutefois, les mandats spéciaux furent utilisés pour la première fois pour financer des dépenses ordinaires du gouvernement. Durant deux mois, pendant l'été de 1896, l'ensemble des dépenses ordinaires du gouvernement ont été financées par des mandats spéciaux. Le regretté sénateur Eugene Forsey, dans son ouvrage intitulé «Questions of Confidence in Responsible Government», écrit que cela était sans précédent et a soulevé une tempête. Le sénateur poursuivait:
Au Royaume-Uni et en Australie, on ne trouve rien de comparable à l'article 23 de la Loi sur l'administration financière. C'est une institution distinctement canadienne. Au Royaume-Uni et en Australie, on ne peut dissoudre le Parlement tant que des crédits n'ont pas été approuvés pour couvrir au moins la période des élections. Même au Canada, au moins deux lieutenants-gouverneurs ont insisté pour que des crédits soient accordés avant d'accepter de dissoudre l'assemblée législative: sir Henri Joly de Lotbinière en Colombie-Britannique, en 1903, et sir James Aikins au Manitoba, en 1922. Mais avec le précédent établi en 1896 dans le Dominion, la convention voulant qu'il n'y ait pas de dissolution sans crédits a disparu du pays, et le recours aux mandats spéciaux du gouverneur général est devenu de plus en plus courant.
Il n'est pas inutile de faire un rappel historique sur l'utilisation des mandats spéciaux. On distingue quatre catégories d'utilisations. Quatre des gouvernements qui ont utilisé ces mandats ont été renversés à la Chambre des communes, notamment le gouvernement de M. Trudeau en 1974. Quatre étaient des gouvernements minoritaires qui ne s'étaient pas encore présentés devant la Chambre des communes et n'avaient pas encore obtenu, à plus forte raison, la confiance de la Chambre. On remarque dans ce groupe le gouvernement Pearson, en 1963 et en 1965-1966. Dans la troisième catégorie, on retrouve les gouvernements qui ont eu recours aux mandats parce que les crédits avaient été épuisés avant la date des élections.
Une quatrième catégorie comprend les utilisations qu'en a fait M. Trudeau en 1972. Les honorables sénateurs se rappelleront que, cette année-là, le gouvernement avait le plus grand nombre de sièges aux Communes, mais était loin de détenir la majorité. M. Trudeau a eu recours aux mandats spéciaux pour couvrir les dépenses courantes du gouvernement entre le 1er octobre etle 31 décembre 1972, et il a convoqué la Chambre le 4 janvier 1973. Cela semble être un usage plutôt curieux de ce mécanisme pour éviter de faire face au Parlement. Il aurait peut-être été normal que le gouverneur général refuse les mandats spéciaux et invite M. Stanfield à former le gouvernement, s'il était disposé à faire face à la Chambre des communes et à lui faire voter les crédits.
En outre, ce rappel historique m'a paru utile parce que, lors de la présentation du projet de loi et de son étude à l'étape de la deuxième lecture aux Communes, ainsi que dans la présentation qu'en a faite au Sénat le sénateur De Bané, on a beaucoup insisté sur la période de 1988-1989. Après les élections de 1988, qui ont reporté le Parti progressiste conservateur au pouvoir avec une autre majorité, on a eu de nouveau recours aux mandats spéciaux à trois occasions différentes entre janvier et avril 1989. Mais au moins, le Parti progressiste conservateur, ayant la majorité des sièges après les élections de 1988, a convoqué le Parlement en décembre 1988 et fait adopter une loi. En 1972, par contre,M. Trudeau a utilisé les mandats avant de convoquer la Chambre et alors qu'il était minoritaire.
M. Milliken, le parrain du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, indigné par les mesures prises par le gouvernement en 1988-1989, a soulevé la question de privilège à la Chambre des communes. Dans sa décision, la présidence a estimé que «le gouvernement s'est conformé à toutes les procédures prescrites par la Chambre» lorsqu'il a émis des mandats. Au sujet de cette question de privilège, la présidence a ajouté:
Après avoir étudié les circonstances de la présente affaire pour déterminer si les députés ont été privés de leurs droits ancestraux en ce qui concerne l'octroi ou le refus des crédits, la présidence conclut que le gouvernement s'est conformé à toutes les procédures prescrites par la Chambre. Comme le disait lui-même le député de Kingston et les Îles, la Chambre aura l'occasion de se prononcer sur les fonds attribués par les mandats spéciaux lorsqu'elle votera le prochain projet de loi de crédits.
Si j'ai soulevé la question de l'utilisation antérieure des mandats spéciaux, c'est pour contrebalancer quelque peu les arguments entourant le projet de loi C-270. Les gouvernements libéraux et progressistes-conservateurs ont eu recours aux mandats spéciaux dans diverses circonstances.
Une chose est certaine. Nous nous sommes sûrement éloignés de l'objet de la disposition originale de la Loi sur la gestion des finances publiques et il n'est plus question de n'utiliser les mandats spéciaux qu'en cas d'urgence.
Pour revenir à la nécessité du projet de loi C-270, examinons les exigences constitutionnelles en ce qui concerne la convocation du Parlement. Le Parlement est tenu de siéger une fois l'an. Par conséquent, un gouvernement sans scrupules pourrait convoquer le Parlement à une session d'une journée seulement, prononcer un discours du Trône et ajourner ensuite pour un an. Il pourrait continuer de diriger l'appareil administratif du gouvernement en ayant recours à des mandats spéciaux du gouverneur général.
Même si un tel scénario a l'air un peu absurde, il est néanmoins possible conformément à la loi actuelle. L'adoption du projet de loi C-270 constituerait un pas dans la bonne direction, car cela mettrait de l'ordre dans le financement des activités gouvernementales et affirmerait la suprématie de l'organe législatif du gouvernement en matière de crédits.
Toutefois, avant de préconiser l'adoption de ce projet de loi, je crois nécessaire d'en examiner les répercussions au comité. En mai 1985, le ministre progressiste conservateur des Finances de l'époque, Michael Wilson, avait déposé, dans le cadre de son budget de cette année-là, un document intitulé: «Le processus budgétaire canadien: Propositions d'amélioration». À propos des mandats du Gouverneur général, on peut y lire ceci:
Un autre problème se pose en matière d'emprunt lorsque le Parlement est prorogé ou dissous. Pour tenir compte de la nécessité de procéder aux dépenses voulues en pareil cas, la Loi sur l'administration financière autorise le Gouverneur en conseil à émettre des mandats spéciaux afin d'honorer les dépenses requises d'urgence pour le bien public. S'il devait être nécessaire d'emprunter pendant une telle période et que le Parlement n'avait pas adopté le pouvoir d'emprunt nécessaire, le seul recours serait de contracter un emprunt à court terme, ce qui risquerait d'être totalement incompatible avec un programme efficace et ordonné de gestion de la dette. Pour parer à cette éventualité, le gouvernement proposerait d'apporter les modifications voulues à la Loi sur l'administration financière.
(1550)
La modification de la Loi sur l'administration financière que proposait ce document s'inscrivait dans l'amélioration de tout le processus budgétaire du gouvernement. Il était notamment question de présenter le budget à date fixe, d'assouplir le secret budgétaire et d'élaborer une procédure «permettant aux députés et aux sénateurs d'examiner les besoins d'emprunt de l'État, tout en permettant au gouvernement de s'occuper de la planification et de l'exécution d'un programme ordonné de gestion de la dette.»
Ce document a été examiné à fond par le comité de la procédure et de l'organisation de la Chambre des communes sous la présidence de l'ancien député de Peace River, Albert Cooper. Le comité a recommandé que le Parlement adopte un calendrier financier qui insufflerait une certaine certitude dans tout l'exercice financier. Les mêmes choses arriveraient chaque année à la même date.
Il est clair que l'objectif du document de travail de M. Wilson et du rapport du comité était d'améliorer le processus budgétaire et d'éviter qu'il soit nécessaire de gouverner en ayant recours à des mandats du gouverneur général. Il est important de comprendre que, sur le plan financier, les modalités de fonctionnement du gouvernement comportent un certain nombre de problèmes et que, même si le projet de loi C-270 est valable, à mon avis, le comité devrait étudier tout le processus et faire des recommandations globales sur tous les aspects du cycle financier gouvernemental.
Parmi les questions qui concernent expressément le projet de loi C-270 et qu'un comité sénatorial pourrait étudier, mentionnons la question de savoir si le projet de loi est trop restrictif. Qu'arriverait-il si une urgence particulière exigeant l'engagement de fonds immédiat survenait à un autre moment qu'entre la dissolution du Parlement et la rentrée parlementaire prévue? Le gouvernement devrait-il pouvoir recourir à des mandats pour engager des dépenses rendues nécessaires par un désastre naturel ou une guerre? L'adoption du projet deloi C-270 mènera-t-elle à une interruption des services gouvernementaux comme celle qui s'est produite récemment aux États-Unis?
J'exhorte ceux qui examineront le projet de loi en comité à étudier ses répercussions sur toute la question du contrôle du Parlement sur les finances publiques. Le projet de loi C-270 est-il une mesure qu'il convient d'adopter ou simplement une solution temporaire? En d'autres termes, devrions-nous utiliser le projet de loi C-270 comme catalyseur d'une refonte importante des rouages financiers parlementaires?
À mon avis, si nous étudions le projet de loi C-270 en comité, nous devrions prendre le temps nécessaire pour examiner en profondeur les questions soulevées en 1985 dans le document de travail de M. Wilson ainsi que les solutions proposées à l'autre endroit, en décembre 1985, par le comité de la procédure et de l'organisation. Nous pourrons alors déterminer si le projet de loi C-270 est une solution adéquate aux problèmes qu'il est censé résoudre ou s'il existe une solution plus globale au problème concernant le recours aux mandats du gouverneur général.
(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?(Sur la motion du sénateur De Bané, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des finances nationales.)
Examen de la réglementation
Adoption du quatrième rapport du
comité mixte permanent
Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du comité mixte permanent
d'examen de la réglementation (Budget), présenté au Sénat le 10
décembre 1996.
L'honorable P. Derek Lewis, coprésident du comité mixte permanent d'examen de la réglementation, propose: Que le rapport soit adopté.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Régie interne, budgets et administration
Étude du douzième rapport du
comité-
Ajournement du débat
Le Sénat passe à l'étude du douzième rapport du comité permanent de la
régie interne, des budgets et l'administration (avantages sociaux et
allocations accordés aux personnes travaillant à contrat pour des sénateurs),
présenté au Sénatle 7 novembre 1996.
L'honorable Colin Kenny, président du comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, propose: Que le rapport soit adopté.
- Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends enfin la parole au sujet de ce rapport. Celui-ci propose que l'on accorde des avantages sociaux et des allocations aux personnes qui travaillent maintenant à contrat pour des sénateurs. Le comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration propose que le rapport soit adopté rapidement parce que, franchement, c'est la chose à faire.
Le rapport note que les fonctions de recherche au Sénat ont pris beaucoup
d'ampleur depuis que les lignes directrices régissant les dépenses en matière
de recherche ont été approuvées par le comité en 1988. Les recherchistes
sont maintenant appelés à répondre aux besoins des sénateurs de façon plus
continue et, partant, doivent être installés plus près de notre lieu de
travail.
Ainsi, les personnes travaillant à contrat pourraient prétendre qu'une
relation employeur-employé existe avec le Sénat et que celui-ci est un
employeur injuste. Il n'est donc pas surprenant que la question d'accorder des
avantages sociaux à ce groupe de personnes intéresse nombre de sénateurs.
En vertu des lignes directrices sur les dépenses de recherche approuvées par le comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration le 28 avril 1988, une personne à contrat n'est ni considérée comme un employé ni du Sénat ni d'aucun sénateur. Par conséquent, il n'y a pas de déductions à la source et les contractuels n'ont pas droit à des avantages sociaux.
À l'heure actuelle, les sénateurs ont droit à une secrétaire dont le salaire est de 38 777 $ et à une allocation de 50 000 $ pour la recherche. Des contrats peuvent être émis afin de combler leurs besoins à court ou à long terme.
À l'heure actuelle, il est commun pour une personne engagée à contrat par un sénateur d'utiliser l'équipement, les locaux, et cetera, du Sénat et elle fonctionne ainsi à peu près comme un employé.
Il se peut fort bien que des gens de l'extérieur puissent considérer cette relation comme une relation employeur-employés aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Pour clarifier la situation, le comité a fait certaines recommandations.
Nous estimons qu'il faut classer les employés en trois catégories. La première aurait trait aux contrats de courte durée. Les sénateurs pourraient continuer de recourir à ce type de contrats, par exemple, pour les aider à rédiger leurs discours. On énoncerait dans le contrat la fonction du contractuel, sa rémunération et la durée du contrat. La rémunération serait prise sur le budget de recherche du sénateur. Il n'y aurait pas de déductions à la source et aucun avantage social ne serait accordé.
En 1995-1996, 83 contrats à court terme qui feraient partie de cette catégorie ont été donnés par les sénateurs. En vertu de la nouvelle proposition, cette catégorie n'entraînerait pas de coûts supplémentaires parce qu'aucun avantage social ne serait accordé.
(1600)
La deuxième catégorie comprend les contrats de moins de six mois. Les sénateurs pourraient demander à la Direction des ressources humaines d'embaucher en leur nom une personne pour une période de moins de six mois. Cette personne ne deviendrait pas un employé, mais il y aurait des retenues à la source sur sa paie, elle aurait droit à un dossier d'emploi et serait admissible à des prestations d'assurance-chômage.
Au cours de la dernière année financière, 220 contrats de moins de six mois ont été accordés. Le coût des avantages sociaux de ces personnes aurait été de 5 p. 100 du total des salaires qui leur a été versé, soit 60 000 $ pour toute l'année financière.
La troisième catégorie est celle des personnes employées pour une période déterminée de plus de six mois. Les sénateurs pourraient demander à la direction des ressources humaines d'embaucher des personnes pour des périodes temporaires de plus de six mois. Ces personnes seraient réputées être des employés avec tous les avantages et indemnités que cela comporte.
En 1995-1996, 53 contrats entrant dans cette catégorie ont été accordés. Nous évaluons le coût des avantages accordés à ces employés à 200 000 $ pour toute l'année. Ce montant correspond à 14,5 p. 100 de la masse salariale de cette catégorie.
Les sénateurs pourraient continuer de recourir aux services du personnel de la catégorie 1 à l'intérieur des limites prescrites dans les lignes directrices relatives aux dépenses de recherche. Avec les catégories 2 et 3, les sénateurs auront le plus large éventail possible d'options pour combler leurs besoins. Les lignes directrices relatives aux dépenses de recherche seraient modifiées pour créer les catégories 2 et 3. Ces modifications ne viseraient que les contrats de recherche attribués par les bureaux de sénateurs.
Deux autres aspects de cette proposition méritent d'être mentionnés. Premièrement, il n'y a pas de rétroactivité. Comme il est dit dans le neuvième rapport, les avantages seront accordés à compter de la date fixée par le Sénat.
Deuxièmement, si deux, trois ou quatre sénateurs partagent le même recherchiste, celui-ci sera réputé être un employé seulement une fois et n'obtiendra pas les avantages en double.
Honorables sénateurs, c'est la Direction des ressources humaines qui s'occupera de la mise en oeuvre des nouvelles mesures conformément aux politiques et lignes directrices applicables et approuvées par le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.
Puisque le régime des avantages des employés est financé par crédit parlementaire, l'accroissement des dépenses n'aura aucune répercussion sur le budget de fonctionnement du Sénat. Le financement des dépenses additionnelles sera automatiquement fourni par le Conseil du Trésor pour l'année financière en cours. Cependant, à compter de 1997-1998, le Sénat devra tenir compte du nouveau système dans la préparation de ses budgets.
Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter quelques observations susceptibles de préciser un peu notre proposition.
Tout d'abord, la proposition correspond mot pour mot à ce qui existe à l'autre endroit. Nous avons copié textuellement les dispositions de son manuel se rapportant à chaque catégorie. Il n'y aucune différence.
Deuxièmement, j'ai ici une lettre du conseiller parlementaire. Elle m'est adressée en ma qualité de président du comité et porte sur le neuvième rapport. Je vais la lire à haute voix, si vous le voulez bien.
Cher sénateur Kenny,
La présente fait suite à votre demande d'avis concernant la mise en oeuvre du neuvième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration pour permettre au Sénat de respecter la loi dans les relations avec ses employés.
À l'heure actuelle, aux termes des Lignes directrices régissant les dépenses de recherche, tous les recherchistes des sénateurs sont des personnes indépendantes engagées à contrat. Le rapport propose une approche plus flexible qui permettrait aux recherchistes des sénateurs d'être embauchés pour des périodes de moins de six mois ou de plus de six mois, mais jamais plus longues que l'exercice.
La mise en oeuvre du rapport permettra au Sénat de faire en sorte que ses pratiques administratives et financières concernant les recherchistes des sénateurs respectent l'esprit et les dispositions d'une série de lois liées au travail comme la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur l'assurance-emploi, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la pension de la fonction publique et la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État.
Les changements relatifs aux pratiques administratives et financières devant être autorisés permettront au Sénat de régler les problèmes cernés dans le rapport, particulièrement la partie qui dit que «les individus à contrats pourraient prétendre qu'une relation employeur-employé existe avec le Sénat» parce que «à l'heure actuelle, il est commun pour les personnes engagées à contrat par des sénateurs d'utiliser l'équipement, les locaux, etc., du Sénat et ceci pourrait être interprété comme si elles étaient des "employés"».
La mise en oeuvre du rapport permettra aussi au Sénat de donner aux recherchistes qu'il embauche en tant qu'employés, à condition qu'ils soient admissibles, les avantages dont bénéficient les employés du Sénat en vertu de divers régimes du Conseil du Trésor, comme le Régime de soins de santé de la fonction publique, le Régime d'assurance pour les cadres de gestion de la fonction publique et le Régime de soins dentaires de la fonction publique, et en vertu de certaines politiques du Sénat, comme celles sur les congés, les congés de maladie et les congés pour accident de travail.
En espérant que ces renseignements sauront vous satisfaire, je vous prie d'agréer...
La lettre porte la signature de Mark Audcent.
De plus, honorables sénateurs, je signale que ce rapport est inscrit au Feuilleton depuis plus de six mois. Nous avons tous eu la possibilité de l'examiner. Le rapport a été renvoyé au comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration à une reprise. Le comité l'a examiné deux fois et l'a adopté à l'unanimité dans les deux cas, sans aucune dissidence.
Enfin, je voudrais parler brièvement de la situation pénible d'employés qui font présentement partie de notre personnel. La loi accorde certains avantages sociaux à ceux qui sont à notre emploi depuis au moins six mois. Ils y ont droit, mais ils ne les ont toujours pas obtenus.
Quand nous avons adopté ces règlements, nous avons décidé, au Sénat, que nous embaucherions à contrat. Nous avons dit aux employés qu'ils seraient contractuels. Ils nous ont fait confiance. Ils ont accepté et organisé leur vie en conséquence.
On nous dit maintenant que, si l'on vérifiait leur situation, il y aurait toutes les chances que Revenu Canada ne les traite pas comme des contractuels, parce qu'ils ne répondent pas aux critères du ministère du Revenu à ce chapitre. Ils travaillent dans nos bureaux, utilisent nos outils de travail et agissent sous nos ordres. Ce n'est pas là la situation normale d'un contractuel.
Il y a un groupe d'employés qui sont vraiment à contrat. Ils viennent pour quelques jours; ils acceptent de faire un certain travail pour une certaine somme d'argent; ils repartent avec le travail à faire et reviennent pour nous remettre le travail accompli. Ce sont des contractuels. C'est le groupe 1. Toutefois, les employés du groupe 2 et, surtout, ceux du groupe 3, ceux qui ont un contrat de plus de six mois, n'ont pas grand-chose en commun avec de véritables contractuels.
(1610)
D'une part, nous leur refusons les avantages sociaux auxquels ils ont droit alors que leurs homologues de la Chambre des communes, qui font le même travail, reçoivent ces avantages sociaux depuis plus de dix ans. Nous ne les rémunérons pas à la place de ces avantages sociaux. D'autre part, nous les traitons comme des contractuels, mais en fin de compte ils risquent de s'apercevoir que le ministère du Revenu national ne les considère pas comme des employés à contrat.
J'exhorte les honorables sénateurs à prendre ce rapport au sérieux. Je les exhorte à l'adopter, non seulement parce que la loi dit que nous devons prendre ces mesures, mais aussi parce que c'est la chose à faire pour les sénateurs en tant qu'employeurs. Le moment est venu d'en prendre la décision.
(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)
Les soins de santé au Canada
Interpellation-Ajournement du débat
L'honorable Wilbert J. Keon, ayant donné avisle 25 novembre 1996:Qu'il attirera l'attention du Sénat sur des questions relatives à la Loi canadienne sur la santé et à d'autres questions se rapportant aux services de santé au Canada.
- Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler d'un leadership fédéral plus prononcé dans le domaine des soins de santé au Canada.
J'ai lu avec grand intérêt le rapport sur la santé des Canadiens rédigé en prévision de la rencontre des ministres de la Santé tenue à Toronto en septembre dernier. Il existe, dans tous les coins du pays, de nombreux autres documents sur la santé et la réforme des soins de santé qui se poursuivra au cours des semaines et des mois à venir. Je vais aborder plusieurs questions dans ce dossier, notamment le rôle des gouvernements fédéral et provinciaux et les relations fédérales-provinciales en matière de santé, divers modèles de systèmes de distribution des soins, la recherche et l'éducation en matière de santé. Cependant, mes commentaires d'aujourd'hui porteront uniquement sur la Loi canadienne sur la santé.
Notre régime de soins de santé date de plus d'un quart de siècle. On l'a un peu retouché, certainement utilisé abusivement, mais, jusqu'à tout récemment, on a évité toute réforme sérieuse. Aujourd'hui, toutes les provinces mettent en place des réformes radicales de leur régime de soins de santé. Ces réformes se matérialisent dans toutes les régions à des rythmes divers et selon des cheminements différents, mais toujours dans les limites du cadre défini par la Loi canadienne sur la santé.
Les changements qui se produisent dans la prestation des soins, l'administration et le financement des établissements de santé provinciaux constituent à la fois un défi et un grand risque pour notre régime national-provincial de soins de santé. Dans certains cas, les réformes provinciales sont contraires aux principes fondamentaux de la loi, mettant en péril la notion de système national fondé sur des liens étroits entre les niveaux fédéral et provincial.
Compte tenu des réformes en cours et des facteurs qui poussent à ces réformes, notamment la réduction des transferts fédéraux aux provinces, certains prétendent qu'il est temps d'abandonner les principes de la Loi canadienne sur la santé. C'est une question qui devrait beaucoup nous inquiéter tous.
Honorables sénateurs, j'estime qu'il est temps que le gouvernement fédéral définisse plus clairement comment il entend que le système fonctionne.
Nous sommes arrivés à un point critique de notre histoire où il nous faut réorienter le débat sur les principes qui servent de fondement à notre régime de soins de santé. Le moment est venu de renforcer, et non pas d'abandonner, les grands principes qui régissent notre régime de soins de santé. Il nous faut inciter la population à participer à des discussions constructives et sérieuses sur la raison d'être d'un régime national d'assurance-maladie et sur la pertinence de maintenir un régime fondé sur des valeurs communes à toutes les provinces, des valeurs nationales-provinciales. Le gouvernement doit procéder sans plus tarder à une révision sérieuse de la Loi canadienne sur la santé.
C'est en bonne partie à la Loi canadienne sur la santé que nous devons d'avoir aujourd'hui un des meilleurs régimes de soins de santé au monde. Le maintien d'un régime national d'assurance-maladie passe obligatoirement par la défense des principes qui sous-tendent la Loi canadienne sur la santé. Pour cela, le gouvernement fédéral doit renforcer son rôle de soutien qui est essentiel en ce domaine. Honorables sénateurs, ce rôle de soutien exigera un examen et, à mon avis, un renforcement de la Loi canadienne sur la santé.
Cette loi est vraiment essentielle au développement et à la survie de notre système national de soins de santé. Elle établit cinq critères que les provinces doivent respecter pour recevoir les crédits fédéraux au titre des soins de santé. Ce sont l'accessibilité, l'intégralité, la gestion publique, la transférabilité et l'universalité. Ces cinq fondements de la Loi canadienne sur la santé ont façonné l'évolution du système d'assurance-santé du Canada. Sans l'apport financier du gouvernement fédéral en fonction de normes larges, le régime actuel n'aurait jamais vu le jour.
La loi interdit également les frais modérateurs et la surfacturation et offre des incitatifs financiers aux provinces pour les amener à respecter cette exigence. Je préfère parler d'incitatifs plutôt que de leviers financiers. Ce sont les incitatifs, ou leur absence, qui influencent le comportement humain. Au lieu de créer de nouveaux leviers financiers et de voir les incitatifs qui en découlent, nous devrions envisager les formes d'action que nous souhaitons et offrir ensuite les incitatifs qui garantiront la réalisation de nos objectifs.
Les principes sont-ils appropriés? Que veulent-ils dire? Par exemple, que signifie la «transférabilité»? À quoi voulons-nous en venir? Comment pouvons-nous garantir son maintien? En fait, combien de malades aujourd'hui remettent ce principe en question quand ils passent d'une province à une autre et demandent des soins de santé? Et que dire de la gestion publique? Quelle est la meilleure façon de gérer tous les éléments du système de santé?
Le temps est peut-être venu de songer à conforter la loi en y ajoutant des principes. Pourquoi ne pas ajouter l'obligation de rendre compte? Est-ce qu'il ne faudrait pas en faire le sixième principe fondamental? Nous disons tous que le système devrait supposer une plus grande obligation de rendre compte. Nous convenons que c'est un aspect à améliorer. Nous devons parler de l'obligation de rendre compte à la fois de la valeur de ce que l'on obtient par rapport à l'argent dépensé et de l'optimisation des ressources pour ce qui est de l'amélioration de la santé de la population en général.
Il faut voir la Loi canadienne sur la santé comme un élément de stabilisation en période de changement. Elle doit être assez flexible pour permettre un véritable changement tout en rassurant les Canadiens quant à la valeur.
Pour tous ceux d'entre nous qui travaillent dans le domaine de la santé, il est devenu de plus en plus flagrant que notre régime, conçu au début de l'assurance-maladie, il y a plus de 25 ans, est dépassé par les nouvelles connaissances, les nouvelles exigences et les nouvelles réalités budgétaires. Des changements s'imposent. Ils peuvent améliorer le système. Il reste toutefois des domaines où le gouvernement central doit continuer d'offrir une protection et d'assurer le leadership.
Je suis profondément convaincu que la plupart des Canadiens appuient le principe de l'universalité des soins de santé. L'actualisation de la Loi canadienne sur la santé est cruciale si nous voulons préserver les meilleurs éléments de notre régime. Cette modernisation passe nécessairement par une révision de notre définition et de notre conception de la santé. Il faudra insister davantage sur la prévention des maladies, l'éducation en matière de santé, la promotion de la santé, une conception de la santé axée sur la population.
Il faudra une meilleure définition des normes acceptables en matière de santé et de services de santé, une analyse fouillée des forces qui agissent sur les soins de santé et une définition des résultats acceptables. Il faudra appliquer et normaliser la technologie de l'information et des communications pour remettre à un niveau acceptable des systèmes dépassés.
(1620)
Il ne fait aucun doute que les concepts et les valeurs sous-tendant le régime de santé du Canada demeurent forts. Ils forment les fondations sur lesquelles une nouvelle structure peut et doit être construite. Agissons rapidement pour protéger et renforcer l'un des programmes sociaux les plus précieux et les plus respectés de notre pays.
Honorables sénateurs, la santé n'est pas un secteur de compétence attribué, aux termes de notre Constitution, exclusivement à un ordre de gouvernement, ne l'oublions pas. Il existe au Canada un équilibre entre les responsabilités fédérales et les responsabilités provinciales, qui est fonction du but et des répercussions de la mesure envisagée. C'est la Loi canadienne sur la santé qui préserve l'intégralité de notre précieux régime de soins de santé. En fait, il se peut bien que cette loi soit celle qui contribue le plus à préserver l'unité de notre pays.
En terminant, permettez-moi de souligner l'énorme contribution du sénateur Bonnell dès les premières heures de la rédaction et de l'adoption de la mesure législative originale, la Loi canadienne sur la santé.
Honorables sénateurs, je vous demande votre appui pour favoriser une étude rapide et approfondie de la Loi canadienne sur la santé et pour exhorter le gouvernement fédéral à intervenir plus activement dans la réforme de la santé qui est étudiée partout au pays.
(Sur la motion du sénateur Anderson, le débat est ajourné.)
(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)